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sciences

Pourquoi la tartine tombe toujours du côté du beurre - Richard Robinson

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Voici maintenant un livre de sciences amusantes, Pourquoi la tartine tombe toujours du côté du beurre, écrit par Richard Robinson et sous-titré "La loi de Murphy expliquée à tous". Mais si, vous savez bien, la loi de Murphy qui postule que si le pire peut arriver, il arrivera, comme la tartine qui tombe fatalement du mauvais côté ou le fait que l'on choisisse forcément la file d'attente la plus lente dans les supermarchés !

L'auteur va ici démonter tous ces mécanismes à grand renfort de physique mais surtout de psychologie car dans la loi de Murphy, c'est notre cerveau qui nous trompe ! Robinson utilise la métaphore du puzzle que l'on n'arrive pas à terminer et s'attaque aux explications physiques seulement à la fin du bouquin car auparavant, il démonte notre psychologie en une demi-douzaine de chapitres !

Tout d'abord, l'auteur nous explique que nos sens nous trompent. Pour recevoir les informations, nous faisons confiance à nos sens mais ceux-ci sont biaisés et opèrent une sélection - sans parler des illusions sensorielles qui sont aussi évoquées dans le livre. Une présentation générale des grandes structures du cerveau nous est aussi donnée en introduction qui sera utile pour la suite de l'exposé.

Le chapitre 2 nous montre comment nous évaluons ces informations et un constat s'impose, : "nous sommes nuls quand il s'agit de mesurer " !

Ensuite, on aborde la mémoire, dans le chapitre 3 et il est alors clair que nos souvenirs sont flous et sont souvent des reconstructions car nous oublions avec le temps. L'hippocampe est le siège de la mémoire.

"Faire le lien' est le sujet du chapitre suivant et là encore nous faisons des boulettes.

Le chapitre 5 s'intéresse aux émotions et on apprends que le moindre de nos actes est noyé dans les hormones, c'est à dire teinté émotionnellement et c'est ce qui fait "le sel de la vie" ! Sans émotions, nous serions des morts-vivants ! C'est cette fois l'amygdale qui est impliquée.

Le dernier chapitre parle de sociologie et de nos comportements en groupe. Nous sommes influencés par les autres, souvent sans nous en rendre compte ! Evidemment, dans ce chapitre, on a droit à l'Expérience de Milgram !

A la fin, donc, on a des explications physiques sur certains phénomènes contre-intuitif et là, la science a vraiment réponse à tout !

Un livre instructif et plaisant, non dénué d'une certaine ironie et d'humour ! Je vous en recommande la lecture si vous n'aimez pas les coups du sort ! Un livre qui détend bien et dédramatise !

A bientôt !

Pourquoi la tartine tombe toujours du côté du beurre - Richard Robinson

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Bruno Latour - Une introduction - Gérard de Vries

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J'adore les penseurs "touche-à-tout" comme Michel Onfray ou Edgar Morin. Dans le genre, Bruno Latour, né en 1947, est pas mal ! C'est à la fois un philosophe, un épistémologue, un sociologue et un anthropologue et ses écrits me semblent bien intéressants !

Mais pour le moment, n'ai eu accès à son oeuvre que par le biais du petit manuel réalisé par Gérard de Vries, Bruno Latour - Une introduction, une sorte de digest paru à La Découverte. Entrons dans le vif du sujet !

En quelques chapitres, Gérard de Vries nous "introduit" donc aux grandes lignes de la pensée de Latour et ses principales théories. Le philosophe et sociologue a écrit sur des sujets très variés, principalement sur la Science, qu'il aborde d'un point de vue sociologique mais aussi sur la Religion... Et il parait difficile de trouver un fil rouge à tous ces textes mais pourtant il existe !

Après une rapide préface, on entre dans le vif du sujet et déjà sur des considérations épistémologiques quand au statut de la connaissance. Dans le premier chapitre, de Vries nous rappelle que pour Latour, tout savoir procède d'une observation - donc la science est une discipline empirique ! - et l'exemple de la carte de Paris est utilisé pour démontrer qu'avant d'appréhender cette ville en s'y repérant au moyen d'une carte, il a fallut tout un travail de "construction". C'est aussi valable pour la distribution d'eau de la ville.

Ce qui précède parait évidemment pour toute connaissance qui procède des oeuvres humaines mais qu'en est-il de la Nature ? La Nature nous est-elle donnée ou demande-t'elle aussi une élaboration ? Le savoir sur la Nature demande aussi un effort et l'exemple qui est pris est celle de la mise en lumière du fonctionnement d'un neurone dont les mécanismes ne nous sont pas livrés nus mais demandent aussi un "travail d'enquête" : décapiter des rats, prélever le cerveau, le découper au microtome, le colorer, l'observer seulement enfin (c'est ce que je faisais personnellement durant mes stages de biologie il y a longtemps) !

Le deuxième chapitre aborde les sciences studies qui traite de sociologie des sciences, domaine dans lequel Latour est un des précurseurs. Là encore, la science est une "construction sociale". On se rapporte ainsi aux paradigmes de Thomas Kuhn (dont je parlerai un autre jour !). La diffusion d'une découverte scientifique est proportionnelle à la réputation du savant, du chercheur. Et on nous évoquera ici les enquêtes de Latour à l'Institut Biologique Salk, en Californie, où il a montré que la quête du savoir et la recherche scientifique s'y organisaient en deux pôles : les techniciens qui relèvent les données et les chercheurs, le nez toujours dans les livres et les graphiques, qui les interprètent et élaborent les théories (et j'ai envie d'ajouter, aux premiers le "sale boulot" et aux seconds la gloire et les Prix Nobel !).

A ce stade, on voit que Bruno Latour a une aptitude à élucider des problèmes, à dévoiler les choses / les évidences cachées, dans la continuité de ces premiers travaux en heuristique biblique et littéraire !

Mais notre  théoricien montre aussi que les faits scientifiques ne sont pas que socialement construits. Il recours à une autre méthode que l'observation de terrain dans un laboratoire, à savoir l'analyse d'articles scientifiques selon les méthodes de la sémiotique et pour être encore plus précis, il se penche sur l'article de 1858 de Louis Pasteur sur la fermentation lactique. Alors certes, le savant, ici Pasteur, être social, conduit son expérience mais il y a des phénomènes naturels qui ne relèvent pas du social, ici l'action de la levure lactique. Il convient de distinguer les différents actants.

Vous l'aurez compris les travaux de Latour tiennent à la fois de la philosophie, de l'éthnologie, de l'épistémologie et de la sociologie et s'affranchissent de l'habituel découpage des savoirs qui peut être stérilisant ! Ces études constituent une "chambre des merveilles", un cabinet de curiosités à la manière de la Renaissance.

Latour pointe qu'il est difficile de capturer la réalité d'un seul coup d'oeil et qu'il faut multiplier les points de vue et se donner tous les outils du chercheur ! La réalité n'est t-elle que ce qu'on lui confère en la regardant ! L'observation est forcément active !

Plutôt que de choisir son camp entre rationalisme et empirisme, il est bon de découvrir comment la connaissance se forme, tâche de la philosophie au moins depuis Kant ! On étudiera donc  l'histoire de sciences en ne se limitant pas aux seules victoires de la science !

Latour se demande " qu'est-ce qui fait un scientifique ?" et balaie des idées suspectes telles que le "génie" ou la "puissance intellectuelle" pour s'intéresser davantage au contexte sociétal et au cadre scientifiques, travail déjà défricher par Thomas Kuhn.

Cette analyse du contexte n'est pas évidente car traditionnellement la Sociologie a exclu de son champ de recherche les artefacts et les animaux. Or le scientifique travail avec les deux, des instruments et du matériel vivant. Il faut ici appréhender ensemble humains et non-humains pour comprendre le tout.

Latour puisse ses références, comme le montre De Vries, chez les classiques : Kant et Kuhn déjà mentionnés mais aussi Max Weber. Et évidemment, notre philosophe-sociologue touche à tout s'interroge aussi sur la grande question de la Modernité ! Problématique qui mêle science et politique, technologie et éthique en autant de noeuds gordiens qu'il faut trancher ! Latour passe aussi par dessus les dichotomies comme esprit et matière et pense en terme d'hybrides. Il croit aux pratiques hétérogènes, aux "brassages des temporalités", aux distinctions entre le temps et l'histoire et entre les stable et le différent/le variable ! C'est déjà quelque part une pensée complexe avant Edgar Morin !

Il y a des avantages à être étudiant - même si ca demande beaucoup d'efforts et avec un job à mi-temps en parallèle, ne laisse pas beaucoup de temps libre ! En effet, grâce à ce statut, ai accès aux bases de données de CAIRN sur le site web de ma BU et aux collections très fournies de "Que Sais-Je ? " et de "Repères" - La Découverte, ceci gratuitement. Le livre présenté ici fait partie de ce "fond" et a été découvert ainsi. Et il y en aura d'autres à l'avenir !

A bientôt !

Bruno Latour - Une introduction - Gérard de Vries

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Matière à contredire - Etienne Klein

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Etienne Klein fait partie, avec Aurélien Barrau, de ces hommes de sciences (physiciens) qui voient plus loin que le bout de leur paillasse et mènent une réflexion épistémologique sur leurs pratiques ! Pour ma part, j'adore la Philosophie des Sciences et envisage peut-être de faire un doctorat dans ce domaine vaste et passionnant un jour, ce qui me changera de la science bornée qui ne se questionne jamais qu'on m'a enseigné, comme une oie qu'on engraisse, en fac de biologie dans les années 1990 !

Dans Matière à contredire, sous-titré "Essai de philo-physique", Etienne Klein mèle les disciplines pour tenter de percer le "réel" ! Qui doit s'interroger sur le réel ? qui détient la clé ? Le philosophe, depuis Platon qui formule le monde intelligible face au monde sensible, celui-là pouvant faire penser au monde de nos théories scientifiques qui impactent les objets matériels de celui-ci ! Est-ce le physicien qui pense, depuis Galilée,  que le monde peut se traduire en équations donc qu'il y a similitude entre l'esprit humain qui formule les mathématiques et l'Univers étrangement compréhensible à travers ce langage ?

Klein aborde différents "concepts" problématiques qui ont agité à la fois la Philosophie et la Physique ! Rappelons qu'au départ les deux disciplines étaient confondues et Aristote était ainsi largement autant physicien (et biologiste) que philosophe et métaphysicien !

D'abord le temps ! Voilà un concept qui a fait couler beaucoup d'encre ! Saint-Augustin notamment mais plus près de nous Kant et Bergson ! Etienne Klein montre ici que le langage nous abuse avec des expressions comme "le temps passe" ! Est-ce le temps qui file ou les choses qui passent dans le temps ? Il y a maintes conception du temps tant philosophiques que dans la science est ses plus récents développements (physique quantique et relativité !) ! Là encore, Klein demande "qui est légitime à parler du temps ?".

D'autres problèmes sont abordés dont la question du Vide -  entre Néant et Matière ! - ou le principe de causalité ! Je ne parlerais pas du Vide mais sur la Causalité, qu'on repense à Hume qui y voyait là un effet psychologique - l'habitude ! - de l'esprit humain ! sur la causalité repose le principe de l'induction : observer maintes et maintes fois deux phénomènes qui se succèdent et en tirer une loi - généraliser ! L'auteur de l'essai fait ici une remarque judicieuse sur les Big Datas, posant  qu'elles ne peuvent produire que des corrélations mais en aucun cas en faire sortir l'idée de causalité car seul l'esprit humain est encore capable de produire les théories qui révéleraient cette causalité !

Enfin, Klein termine sur le Boson de Higgs, découvert au LHC de Genève en 2012, particule qui donne une masse aux autres particules, lesquelles interagiraient en fait avec un champ quantique, comme un skieur qui serait freiné par ses skis par la neige ! L'image vaut ce qu'elle vaut ! Un rappel est fait du "Paradoxe EPR" dont je pourrais vous résumer la teneur mais ne le ferais pas car c'est un peu compliqué !

A l'heure où la Philosophie prétends avoir renoncé à la Métaphysique, elle bute encore sur la question métaphysique primordiale, la seule qui compte : "qu'est-ce que le réel ?". La science peut peut-être alors lui être d'un grand secours en lui permettant d'avancer par les résultats inattendus que les scientifiques obtiennent, qui repose les problèmes ! c'est pour cela qu'il ne faudrait pas dissocier selon moi enseignements de philosophie et scientifiques dans nos collèges et lycées, selon moi ! Etienne Klein approuverait sans doute !

A bientôt !

Matière à contredire  - Etienne Klein

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Génies des Mathématiques : Carl Friedrich Gauss

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Je suis un grand fan des collections de livres didactiques et de BD comme il peut s'en vendre dans les kiosques et points presse - au grand désespoir de ma psy et de mon porte-monnaie ! J'aime particulièrement les publications de l'éditeur espagnol, RBA que ce soit "Apprendre à philosopher !", "Voyages dans le Cosmos", "Le monde est mathématiques" ou "Défis de la Science" ! Je vais consacrer une série de billets aux figures de renom de la collection "Génies des Mathématiques" ! Certains de ces savants des nombres sont connus (Pythagore, Euclide, Descartes, Newton, Leibniz, Poincaré, Nash,...) d'autres restent très confidentiels !

Parlons aujourd'hui de Carl Friedrich Gauss ! On le surnomme le "Prince des mathématiciens", un des plus grands de tous les temps assurément ! A tel point que sa légende commence dès l'école primaire où il résolu un problème d'addition des nombres entre 1 et 100 instantanément et bien avant tous ses camarades !

Mathématicien né en Basse-Saxe le 30 avril 1777, Gauss décéda à 77 ans, le 23 février 1855.  Il laissa une oeuvre considérable dans des domaines variés des sciences tels les mathématiques, l'astronomie ou la Physique. Il fut professeur à l'Université de Gottingen - où il dirigea son observatoire - et reçut de nombreuses distinctions ! Au lycée, vous avez sans doute entendu parler des "Courbes de Gauss" !? Bien qu'il n'aimait guère enseigner, plusieurs de ses élèves devinrent de fameux mathématiciens et en premier chef Bernhard Riemann !

A 19 ans, Gauss réussit ses premières prouesses mathématiques comme caractériser presque complétement tous les polygones réguliers constructibles à la régle et au compas uniquement ! Dans la lignée de travaux hérités de l'Antiquité ! Ce n'est pas rien ! C'est pour cette raison qu'il demanda qu'un heptadécagone régulier (polygone régulier à 17 côtés) - découverte qui le poussa à abandonner la philologie pour se consacrer entièrement aux maths !

Son ouvrage de 1801, Disquisitiones arithmeticas, définit pour la première fois les congruences et introduit l'arithmétique modulaire avec les deux premières preuves de la loi de réciprocité quadratique (si c'est du chinois pour vous, c'est normal ! Pour moi aussi pour tout vous dire !).

Le 12 avril 1804, Gauss est élu membre de la Royal Society et le 9 octobre 1805, il célèbre son premier mariage avec Johanna Osthoff et recherche dans le même temps son indépendance sociale ! C'est en 1807 qu'il est nommé à Gottingen !

En 1809, se consacrant à l'astronomie, il publie un travail d'une énorme importance sur le mouvement des corps célestes - qui trouvera aussitôt des applications - en développant la méthode des moindres carrés ! Cette même année, sa première épouse meurt, suivi bientôt par l'un de ses enfants, Louis, ce qui plonge le savant dans une profonde dépression !

En 1810, second mariage avec "Minna" Waldeck ! Dans les années suivantes, Gauss est parmi les premiers à envisager des géométries non-euclidiennes !

Ses travaux dans le domaine de la Physique, en 1831 - et sa collaboration avec le professeur dans ce domaine, Wilhelm Weber - permettent des avancées sur le magnétisme (lois de Kichhoff en électricité). Il est aussi l'auteur de deux des équations de Maxwell ! Mais 1831 est également marquée par la mort de sa seconde femme d'une longue maladie ! Thérèse, la fille de Gauss, prends alors en main l'intendance et s'occupera de son père jusqu'à la fin de sa vie !

Vie passionnante, non exempte de drames et de malheurs mais au combien accomplie et riche scientifiquement !

Je me suis surtout basé sur Wikipédia pour cet article car ai laissé le volume RBA sur Gauss chez mes parents !

Voilà ! De quel mathématicien aimeriez-vous me voir parler la prochaine fois ? Ces hommes sont fascinants et la collection "Génies des Mathématiques" comprends 60 tomes, autant de portraits et de billets/articles correspondants potentiels !

A bientôt !

Génies des Mathématiques : Carl Friedrich Gauss

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La théorie physique, son objet, sa structure - Pierre Duhem

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Même si je me suis tourné à 30 ans vers la littérature, puis les sciences humaines, ma formation initiale est scientifique (Baccalauréat D) ! J'éprouve un vif intérêt pour l'épistémologie en général et il est possible que je travaille dans ce domaine lorsque je commencerais ma période "doctorats" ! Nous allons maintenant nous intéresser à Pierre Duhem qui est un physicien, chimiste, historien et philosophe des sciences à cheval sur le XIXème et le XXème siècle ! Je l'avais étudié en seconde année de Licence de Philo !

Quelle est la tâche de la science ? A-t'elle pour but d'expliquer le monde ? De chercher les causes des phénomènes ou simplement de les décrire ? Quelle est la part de la théorie par rapport à l'expérimentation dans tout cela ? Dans son essai, La théorie physique, son objet, sa structure, Pierre Duhem apporte des éléments de réponse !

C'est Francis Bacon, le chancelier britannique, qui a posé, avant Descartes, les fondements de la science moderne, basée sur l'induction et l'expérience reproductible ! Plus tard, d'autres ont lié théorie et expérience, comme travaillant de concert  !

Duhem arrive à une époque où la Physique dont on pensait qu'elle avait déjà tout découvert est sur le point d'accomplir sa double révolution quantique et relativiste ! La science pour lui ne doit pas rechercher les causes profondes qui se cachent sous ce qu'on observe ! La théorie n'est jamais qu'un moyen de classer les lois mises à jour par l'expérimentation. La théorie est appelée à avancer et à refouler comme les vagues mais globalement, la marée monte !

Chercher à expliquer le monde revient à considérer des entités invisibles et à recourir à la métaphysique. On sait que dans la philosophie, les racines de l'arbre de la connaissance sont la métaphysique, son tronc la Physique et ses branches la morale ou l'éthique. Si la Science veut réellement être universelle, elle doit renoncer à la métaphysique qui comporte nombre de chapelles !

L'"erreur" de Galilée, qui fit qu'il fut condamné par l'Eglise est d'avoir présenté sa théorie héliocentrique comme une "Explication" du monde, contredisant les Ecritures qui faisaient alors encore la loi. Si l'imprudent savant avait présenté son oeuvre comme un simple moyen "technique" de représentation, un "outil" permettant de s'affranchir des épicycles, il aurait éviter bien des désagréments !

La science progresse-t'elle en accumulant des données empiriques ou en commencant par rechercher des explications, des théories ? Duhem cite les théories de la lumière de Descartes comme franchissant instantanément les distances, très vite invalidées par la suite alors que ses lois de la dioptrique, sur la réfraction, donc expérimentales, elle sont toujours valables !

Puis, dans l'Histoire des Sciences, on eut Newton et ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle où le grand scientifique dessine les lois de la gravité mais déclare ne pas en chercher les causes ni se risquer en hypothèses !

Au chapitre suivant, Duhem exhume une distinction du philosophe Pascal qui classe les esprits en deux catégories : d'une part les esprits forts et étroits - qui ont une grande puissance d'abstraction mais ne sont pas capables d'englober la totalité du réel - et d'autre part, les esprits faibles et de grande amplitude qui brasse quantités de faits et de donner mais ne pensent pas la théorie et les concepts abstraits ! De là découleraient deux types de savants : d'abord les Français qui conçoivent des systèmes et des théories, s'appuient sur la raison et ensuite les Anglais qui procèdent de manière empirique, se basent sur l'imagination et fabriquent des modèles mécaniques ou mathématiques. La vieille dichotomie entre Francis Bacon et René Descartes, je dirais ! C'est aussi pour cela que la Révolution industrielle s'est développée plus tôt au Royaume-Uni car les ingénieurs sont davantage dans les faits bruts et les données  que les théoriciens du Continent, Français ou Allemands ! Ce chapitre est très intéressant et c'est un aspect qui se vérifie auquel je n'avais jamais pensé !

Une théorie physique est donc un ensemble de propositions logiquement enchaînées, qui ne proposent pas une explication du monde, ne plongent pas dans la métaphysique et permettent de classer un ensemble de lois ! Dans une seconde partie, Duhem s'attarde sur la structure de la théorie physique.

Notre savant-philosophe commence par expliciter les notions de qualité et quantité. En effet, la science physique mesure à priori des quantités et transforment aussi des qualités en quantités. Elle utilise les mathématiques mais pas à la façon d'un géomètre car la Physique est en effet mal assurée et ses données tirées des expériences ne se suivent pas avec la même netteté que les théorèmes et leurs corollaires. La Physique est donc purement quantitative et a les mathématiques comme instrument, avec la logique.

Avec les mathématiques, la Physique établit des relations entre des symboles algébriques. Et à ce stade, notre science est dépendante de la précision des appareils de mesure ! Ainsi, une loi de la Physique sera opérative avec telle précision de mesure mais pas avec des précisions plus fines.

Ceci nous amène, avec Duhem, à établir qu'une théorie et ses lois ne sont jamais définitives ! Elles sont affinées au cours du temps en les comparant avec les données des expériences ! Ces protocoles expérimentaux ne sont jamais neutre et pour les comprendre, il faut avoir assimiler les prérequis apportés déjà par des théories en amont ! La théorie est indispensable pour interprêter les phénomènes ! Ainsi, le fait scientifique et expérimental se distingue du fait de sens commun en ce sens qu'il est plus précis et chargé de données ! Une théorie/une loi n'est ni vrai ni fausse mais elle correspond, est validée ou pas par les faits empiriques.

Ainsi, on affinera l'énoncé d'une loi en englobant de plus en plus d'exceptions et de cas particuliers expérimentaux dans cet énoncé. Duhem donne l'exemple de la loi sur les gaz parfaits qui a tenu ensuite compte de l'influence de l'électricité et du magnétisme.

Une loi de la Physique ne repose jamais entièrement sur l'induction et la théorie et l'intuition jouent leurs rôles. Duhem prends l'exemple de la gravitation pour montrer qu'une théorie ne surgit jamais du seul génie d'un homme fut-il Newton ! C'est un long processus de maturation d'idées qui s'affinent au cours du temps et qui planent dans l'air d'une époque.

Voilà ! Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre mais reviendrais assurément sur ce domaine qu'est l'Epistémologie à l'avenir car je veux en faire un de mes sujets de recherche ! Le livre se conclut sur deux annexes où Duhem parle de sa biographie personnelle et de son rapport à la foi qu'il veut bien distinct de son rapport à la science. Et aussi sur la "valeur de la théorie physique" !

Personnellement, j'ai trouvé cette lecture très enrichissante et ça reste accessible à un lecteur un peu initié à ces problématiques !

A bientôt !

La théorie physique, son objet, sa structure - Pierre Duhem

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Le mythe de la Singularité - Jean-Gabriel Ganascia

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Nous allons à nouveau parler de hautes technologies, de Transhumanisme et d'Intelligence Artificielle avec le livre de Jean-Gabriel Ganascia intitulé Le mythe de la Singularité et sous titré "Faut-il craindre l'intelligence artificielle ?".

En effet, le 1er mai 2014, des personnalités renommées comme feu Stephen Hawking - le cosmologiste pourtant si dépendant des machines en raison de sa santé défaillante ! - publia une tribune dans le journal The Independant - pour mettre en garde contre l'évolution de l'I.A. qui pourrait très bientôt atteindre une étape irréversible et nous supplanter, créant une disruption dans la société !

En parallèle, nous avons le mouvement Transhumaniste chapeauté par les géants des technologies du web - comme Bill Gates ou Elon Musk pour ne citer que les plus connus - qui investissent des milliards dans la recherche pour hybrider notamment l'Homme et la Machine et repousser la Mort ! Se créent ainsi des institutions comme l'Université de la Singularité qui annonce clairement la couleur !

En fait, une Singularité est un point de non-retour mais c'est à la base une notion de mathématiques qui s'applique notamment en Physique à l'horizon des Trous Noirs dont rien ne s'échappe ! Un point de non-retour donc !

Le Transhumanisme va bien plus loin d'un simple prolongement de l'Humanisme naturaliste ! En effet, si la Renaissance introduit notamment une révolution des sciences et institue notre Modernité, elle pose une notion de Progrès indéfini qui mène à une amélioration constante de l'Humanité ! Avec le Transhumanisme et la Singularité, l'Humanité ne s'améliore pas indéfiniment ! Certes elle progresse mais jusqu'à un point de basculement où elle bascule dans la "Non-Humanité" ! L'Homme devenu machine puis pur esprit dans les circuits d'un ordinateur !

L'auteur Jean-Gabriel Ganascia note aussi la similitude entre la Gnose du Ier siècle après J.-C. et le Transhumanisme ! En effet, les Gnostiques postulent et croient en un dieu mauvais qui a créer le monde matériel qui n'est que mal ! Pour s'en affranchir, il faut donc s'élever vers le pur esprit ! N'est-ce pas la visée du Transhumanisme ? On est aussi dans un Idéalisme platonicien radical !

Il est intéressant aussi de noter l'amalgame entre mythos et logos dans le discours Transhumaniste. Peut-on vraiment fournir une preuve rationnel que ce futur où l'Homme se mêle à la machine surviendra ? N'est-ce pas une manière de nous éloigner des vrais problèmes à venir comme le réchauffement climatique ? Le Transhumanisme s'apparente plus à un discours de Science-Fiction (donc du mythe ! D'où le titre de l'ouvrage !) qu'à un discours véritablement scientifique ! Désormais, les chercheurs en sciences et technologies s'inspirent des canons de la SF et non plus l'inverse ! Car en effet, il faut produire une recherche attractive pour attirer les financements !

En réalité, après avoir montré à ce stade que la Singularité était un mythe, l'auteur de l'essai s'interroge sur les motivations des géants dits des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft)  dont les objectifs sont en réalités plus politiques qu'économiques ! Dans une économie du web où règne l'incertitude quotidienne, le Transhumanisme n'est-il pas une manière de combattre ses doutes quand à l'avenir ? C'est envisageable sauf qu'on voit mal ces jeunes patrons milliardaires exprimer de tels doutes en public !

Le Transhumanisme serait plutôt une "diversion" qui vise à nous distraire de l'emprise croissante que ces géants de l'informatique exercent sur nos vies tant au niveau de la biométrie, de la collecte des données personnelles à travers les Big Datas, de l'établissement de cadastre, de l'influence dans le domaine de la culture etc...

Une Humanité "augmentée" ne serait plus vraiment une Humanité, outre que tout le monde n'aurait pas accès à ces "améliorations" et/ou à la "Vie Éternelle" mais surtout ces géants du web prennent de plus en plus la place que prenaient jadis les États ! Il convient donc de ne pas se faire leurrer par des mythes et d'analyser avec du recul l'évolution des choses !

A bientôt !

Le mythe de la Singularité - Jean-Gabriel Ganascia

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Du monde clos à l'univers infini - Alexandre Koyré

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Vous vous souvenez peut-être de ma série d'articles de 2013 sur l'"Histoire de la Cosmologie" ? Nous allons les compléter aujourd'hui avec un billet sur le livre du philosophe Alexandre Koyré, ultra-célèbre en cosmologie, intitulé Du monde clos à l'univers infini  ! C'est un ouvrage très technique, ultra-pointu et de ce fait assez ardu mais je vais essayer d'en résumer quelques points ici ! Sans prétendre à l’exhaustivité ! Et vous parlerais à nouveau de cosmologie lorsque je reviendrais sur la collection de 70 ouvrages RBA "Voyages dans le Cosmos" !

Selon la conception d'Aristote, le monde est un monde fini ! Les Grecs n'appréhendait pas en effet le concept d'infini qui n'avait pour eux aucun sens. Toujours chez Aristote, il y avait le monde sublunaire soumis au changement, notre sol, et le monde supralunaire, des étoiles fixes, qui demeurait perfection et constance ! L'antiquité, c'est aussi le système géocentrique de Ptolémée !

Nicolas de Cues, le dernier grand philosophe de la fin du Moyen-Âge, rejette la conception médiévale du Cosmos et affirme l'infinité de l'Univers. Il nie la finitude du monde et sa clôture par la sphère céleste et n'est pourtant pas un prédécesseur de Copernic !

Selon les historiens modernes, Marcellus Stellatus Palingenus, écrivain du XVIème siècle, affirme aussi l'infinité de l'Univers. Il est l'auteur d'un curieux poème moralisant très typiquement "Renaissance", plein de pessimisme chrétien, de métaphysique "platonicienne" et de mythologie païenne, le Zodiacus Vitae, publié en 1534 à Venise et vite très populaire ! En réalité, Palingenus est encore un partisan de l'Univers fini et de notre monde matériel enfermé dans, et entouré par, les neuf sphères célestes.

Palingenus et Copernic sont des contemporains. De Revolutionibus orbium coelestium - De la Révolution des orbes célestes est écrit à la même époque que le Zodiacus Vitae. Mais les deux hommes sont très éloignés dans leur vision du monde ! Copernic mobilise des techniques mathématiques établies par Ptolémée et se retourne vers l'âge d'or de Pythagore, Platon, Héraclite et Aristarque de Samos !

La Révolution copernicienne est le moment où le savant arrache la Terre au centre du monde et répands le scepticisme ! On passe à un système héliocentrique ! C'est la Terre et pas les cieux qui se meuvent chez Copernic. Là où Aristote disait : "pas d'espace vide, ni lieu, ni corps en dehors du monde, mais rien !", Copernic ne dit pas que le monde des étoiles fixes est infini mais seulement qu'il est non mesurable (immensum). Le monde de Copernic reste fini.

Pour Aristote, l'infini ne peut se mouvoir (car il occupe tout l'espace) or comme les étoiles bougent alors le monde est fini (on a là une proposition logique avec prémisses et conclusion conformément à l'Organon). Pour Copernic, les étoiles ne tournent pas en rond donc il devrait en déduire que le cosmos est infini mais il ne franchit pas ce pas ! Giordano Bruno, lui, n'hésitera pas à en tirer les conséquences qui s'imposent,en s'inspirant aussi de Lucrèce et de Nicolas de Cues. Sa "pluralité des mondes" lui vaudra de passer sur le bûcher en 1600 !

Thomas Digges est le premier copernicien qui remplace le monde clos de son maître par un monde ouvert.

L'infinité de l’Univers reste une doctrine métaphysique. Kepler va rejeter cette idée de l'infinité des Cieux. L'astronomie va ensuite se développer avec la création de lunettes astronomiques par Galilée qui observe de nouvelles étoiles, les satellites de Jupiter et les cratères sur la lune ! Tout ceci est invisible à l'oeil nu. Le Cosmos est donc plus grand  - dans le cas des étoiles ! - et plus complexe qu'on l'avait pensé ! Ces étoiles n'étaient pas visibles mais était-ce parce qu'elles sont plus petites et à la même distance ou de même taille mais plus loin ? L'astronomie devient alors une science empirique et plus seulement spéculations métaphysiques !

Descartes pose la res cogitens, l'âme, et la res extensa - les corps et l'espace qui chez lui sont assimilés ! Chez Descartes, l'espace est géométrisable et assimilable à la matière. Henry More est un des premiers partisans de Descartes en Angleterre mais par la suite, More accusera son maître à penser d'athéisme, accusation très grave à l'époque ! More trouve difficile à comprendre l'opposition radicale établie par Descartes entre le corps et l'âme . Selon le Philosophe du cogito, l'âme - et Dieu - n'auraient aucune extension ! Comment l'âme peut-elle donc agir sur le corps et Dieu sur le monde de la matière, y être présent ?

Pour More, la matière est à la fois l'âme - matière spirituelle - et le corps - matière corporelle. Si avec Descartes, l'extension ne peut être appliqué à l'âme alors elle ne s'applique pas à toute ce que More nomme matière. Toujours selon More, c'est en fait la sensation  - et pas l'extension - qui s'applique à toutes les sortes de matière - spirituelle et corporelle !

Descartes répliquera en affirmant que la présence de Dieu dans le monde n'implique pas l'extension de Dieu. De plus, pour le Penseur de la Haye, le monde n'est pas infini.

Je passe sur les pensées de Malebranche, Bentley et arrive à Newton et Berkeley notamment !

Sir Isaac Newton, savant considérable, philosophe, théologien, alchimiste, est celui qui va "découvrir" les Lois de la gravité, mais il ne s'intéresse pas vraiment aux causes, au "pourquoi", seulement au "comment", dira qu'il n'émets pas d'hypothèses ! Pourtant, il mentionne des "forces obscures", qui ne viennent pas de la matière, une sorte de principe divin qui attire les objets les uns vers les autres, proportionnellement à leurs masses et inversement proportionnel au carré de la distance qui les sépare !

On en revient toujours à Dieu ! Selon certains penseurs, Dieu est l'espace - or l'espace à des parties et Dieu n'en a pas ! Donc l'espace ne peut être Dieu et ceux-là sont réfutés ! En fait, l'espace n'a pas de parties car il est indépendant de la matière qui l'occupe ! C'est la matière qui a des parties mais pas l'espace ! On a vu que chez Descartes, espace égal matière !

Newton et Leibniz sont connus pour leurs disputes ! Sur la paternité du calcul infinitésimal mais aussi sur la nature de l'Univers ! Si on considère un Univers parfait dès le début - comme un mécanisme d'horloge alors Dieu doit-il le réajuster au fur-et-à-mesure ?

Pour Newton, comme les forces décroissent, Dieu est obligé d'agir sur son œuvre, de la corriger ! Chez le Britannique, Dieu agit sur le monde mais est pris en défaut car il n'a pas crée un monde parfait dès le départ ! Mais de ce fait, le Créateur est pris en défaut. C'est problématique !

Chez Leibniz, Dieu a crée le "meilleur des mondes possibles", une sorte de monde parfait qui tourne tout seul et n'a donc plus besoin d'intervenir ! Voir la gravité comme une intervention de Dieu est de plus absurde car cela supposait un "miracle permanent" - ce qui est un oxymore ! Pour l'Allemand, il existe le principe de raison suffisante et il y a une certaine nécessite et fatalité !

Pour Newton, enfin, Dieu n'est pas l'espace, idée déjà partagée par Henry More ! A-t'on un Univers fini dans un espace infini ? De quoi est alors composé cet espace infini ? De vide ? D'Ether ? Leibniz posera que l'espace est fonction des corps - pas de corps, pas d'espace ! Il y a aussi, ainsi, un espace "imaginaire" !

On remarquera que dans cet espace, les corps sont impénétrables, alors que les esprits - qui n'ont pas d'étendue N -  s’interpénètrent ! Les pensées, les idées mais on retrouve aussi ici  des notions liées aux fantômes !

Penser l'espace infini revient à poser des choses éternelles en dehors de Dieu ! Blasphème !

Si Dieu crée l'espace et le temps et est dans l'espace et le temps lui-même alors la nature de Dieu change et il n'est pas éternel mais dépendant des créatures? Dieu serait alors coexistant à l'Univers ou indépendant du temps et de l'espace? Le temps et l'espace sont -ils crées avec l'Univers ?? La Genèse mais pas encore le Big Bang !

Voilà, le livre de Koyré soulève encore bien d'autres points et entre dans le détails mais je vais m'arrêter là car ce billet est déjà bien long ! Mais en vous inquiétez pas, comme je l'ai dit au début, on reparlera de cosmologie ! Ce qui frappe dans l'historique dressé par l'auteur, c'est évidemment le poids du théologique ! On s'en affranchira par la suite, au XXème siècle ? Pas sûr, avec le "Dieu ne joue pas aux dés !" d'Albert Einstein ou le Boson de Higgs, dit la "particule divine" ! Je suis de ceux qui pensent qu'il est possible de concilier Foi et Science (même si je suis agnostique !) !

A bientôt !

Du monde clos à l'univers infini - Alexandre Koyré

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Une Histoire des Sciences humaines - Jean-François Dortier

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Nous allons aujourd'hui parler d'un manuel coordonné et rédigé en grande partie par Jean-François Dortier intitulé Une Histoire des Sciences humaines ! Qui est ce monsieur Dortier ? C'est en fait le rédacteur en chef du magazine Sciences humaines, magazine que je lis depuis quelques années - depuis l'été 2015 en fait et que j'apprécie beaucoup pour ses sujets variés, ses bons dossiers et aussi ses hors-séries !

Dans le livre dont il est présentement question, il nous dresse un panorama de diverses sciences, constituées au XIXème siècle pour la plupart : la sociologie, l'Histoire, la psychologie, la géographie, la psychanalyse, l'économie, la linguistique etc... qui se sont peu à peu émancipées de la philosophie.

Ce panorama est assez complet et assez référencé et s'articule en trois moments !

On a tous d'abord les pionniers ! On pense à  Alexis de Tocqueville, Adam Smith, Boucher de Perthes (et les antiquités de l'homme !), Auguste Comte, Karl Marx évidemment, Jules Michelet ou encore Lewis Morgan ou Frazer ! La période s’étend de 1800 à 1900 ! On pose les bases de la sociologie, de l'anthropologie. On est dans le droit fil des Lumières et c'est l’avènement de la rationalité où l'on tente de construire des systèmes du monde - des explications - en dehors de toute religiosité ! Mais à ce stade, les limites et contours - de même que les objets et les méthodes - des disciplines ne sont pas encore fixés !

On s'achemine vers un savoir nouveau puis vient le temps des fondations - période 1900 - 1950 ! Là on retrouve Émile Durkheim, le Français et Max Weber, l'Allemand (deux savants dont je vous ai déjà parlé) qui polarisent la sociologie, Sigmund Freud - qui explore l'inconscient (dont je vous ai aussi parlé), Franz Boas, Alfred Binet, Edmund Husserl, John Maynard Keynes, etc,... On nous montre les différents paradigmes qui se succèdent à ce moment là - à partir de cette période :  science "de la forme", le culturalisme, la phénoménologie, l'existentialisme - et les écoles : École de Chicago, Cercle de Vienne, École de Francfort, École de Prague,... On a passé un nouveau cap dans la constitution de disciplines puisqu'on a désormais des courants qui s'influencent et/ou s'opposent !

Le troisième et dernier moment couvre la seconde moitié du XXème siècle à nos jours ! On assiste à une remise en question dans tous les domaines ! La société change et connaît des moments de crise ! Les années 1960 - 1970 voient naître des mouvements contestataires : Mai 68, hippies en Californie ! La pensée se complexifie et si on n'a jamais eu autant d'études et de recherches, paradoxalement on a une vue moins nette du monde dominé par la théorie du chaos !

Les années 1980 voient une crise de l'Occident ! Chocs pétroliers, chômage de masse, individualisme et désintégration de la famille traditionnelle, immigrés de deuxième génération qui, rejetés, se réfugient dans le radicalisme religieux, libéralisme économique ! ...  Tout ceci appelle à formuler de nouveaux paradigmes ! Or on s'aperçoit bien vite que sous la multitude des études, une vision d'ensemble, un cadre théorique manque à l'appel !

Voilà pour cette rapide recension d'ouvrage ! Chaque article de ce livre aurait pu donner lieu à un billet sur ce blog ! J'en ai d'ailleurs commis un sur les "précurseurs de la psychologie" - mais ne ferais pas ces articles par manque de temps car c'est un livre que j'ai emprunté à ma BU - Bibliothèque Universitaire - où je fais actuellement un stage ! - et qu'il faut que je rende dans quatre jours !

Mais j'aurais certainement l'occasion d'aborder tout de même ces sujets dans ce blog éclectique à l'avenir  - ou au passé dans des billets antidatés !

A bientôt !

Une Histoire des Sciences humaines - Jean-François Dortier

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Les origines de la psychologie - Une histoire occultée

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Selon l'historien américain de la psychologie, Morton Hunt, "la psychologie est née un jour de décembre 1879". Elle serait apparu au troisième étage d'un bâtiment appartement à l'université de Leipzig au moment où trois hommes, rassemblés autour d'appareils de mesure se livrent à quelques expériences ! c'est à cette date en effet que Wilhelm Wundt, prototype du savant de laboratoire se décide à "mesurer la durée de l'aperception".

En réalité, les choses sont moins tranchées et il faut remonter quelques décennies avant pour trouver les vraies origines de cette science. A l'origine, la psychologie n'était pas détachée de la philosophie et était hautement spéculative. Des auteurs comme Aristote et Descartes avaient laissé des "Traités de l'âme". La dimension religieuse n'était pas absente !

Puis d'autres considérations sont entrées en compte ! Pour définir une discipline appelée à devenir la psychologie, devait-on prendre modèle sur les sciences de la nature - la physique, la biologie - ce qui permettait de faire des mesures ou en rester aux sciences sociales, aux sciences de la culture ?

Il y avait alors, dans ces années-là, une querelle allemandes des sciences sociales. En 1883, le philosophe Wilhem Dilthey avait proposé une classification des sciences entre sciences de la nature - qui se voulait "explicatives" et sciences de la culture basées sur la "compréhension" et l"interprétation". Cette querelle allait bientôt s'étendre à tous les champs disciplinaires qui se redéfinissaient alors !

Avant Wilhelm Wundt, on eut en effet Gustav Fechner et l'Américain William James - et ces trois-là sont en réalité les "pères fondateurs" de la psychologie. Mais comme on va le voir, chez eux, tout n'était pas "protocoles expérimentaux" mais leur réflexion était encore largement mêlée de métaphysique !

Le 22 octobre 1850, l'Allemand Gustav Fechner découvre la première "Grande Loi" de la psychologie. Celui-ci s'intéresse à une vieille question, les relations de l'âme et du corps. Fechner a un parcours atypique, entre à 16 ans à la fac de médecine de Leipzig et s'y ennuie. Il va ensuite être très inspiré par la"Naturphilosophie" qui, à contrario de Descartes qui voit le vivant comme un mécanisme d'horloge, postule un principe vital. Vision qui se marie assez bien à la biologie naissante !

Fechner veut alors participer à ce grand mouvement intellectuel de son temps ! Celui qui écrira un essai sur l'anatomie des anges  s'intéresse alors particulièrement à l'électricité et au magnétisme. Il pense en effet que le courant électrique pourrait être le support de l'esprit et de la pensée. Il va s'agir d'étudier l'influx nerveux. Fechner se penche alors sur Herbart, Weber, Ohms et Ampère. Il va dès lors mener une activité de recherche débridée !

C'est dans ce mouvement qu'il découvre sa loi en 1850 ! Comme nombre de chercheurs d'absolu, Fechner est un illuminé qui passe par des phases d'excitation et d'abattement ! Durant quelques années, il ne supportera plus la lumière du soleil et vivra cloîtré. Sa loi postule que l'intensité d'une sensation est proportionnelle - selon le logarithme - avec l'intensité de l''excitation, loi qui est toujours vraie aujourd'hui ! Voilà des bases scientifiques mais jusqu'à la fin de sa vie Fechner restera influencé par la métaphysique.

Wilhelm Wundt, lui, crée le premier institut de psychologie expérimentale et se livre à de nombreuses expériences. Mais lui aussi est encore influencé par la philosophie puisqu'il, éclectique, rédigera une Logique et une Éthique. Et les vingt dernières années de sa vie, de 1900 à 1920, il rédigera une immense Psychologie des peuples en 10 volumes ! Là encore largement emprunte de spéculation car pour lui, la psychologie expérimentale n'est adaptée qu'à l'étude des fonctions mentales élémentaires.

William James fut un peu un philosophe malgré lui ! C'est lui qui crée le premier laboratoire de psychologie en Amérique au milieu des années 1870. Sa biographie, là encore, n'a que peu à voir avec le schéma canonique ! Il étudiera la mémoire à court terme et à long terme, proposera une fameuse théorie des émotions, publie les Principes de la psychologie en 1890. Avec lui, la psychologie dépasse largement le cadre du laboratoire. Par la suite, William James aura un certain dégoût pour les dissections de grenouilles et se dirige lui aussi vers la réflexion philosophique et créera un nouveau courant de la philosophie, le pragmatisme puis se tournera vers l'étude des expériences religieuses. Mais il retournera aux expériences de laboratoire pour étudier le spiritisme, tout un courant oublié de la psychologie !

On le voit, chez Fechner, Wundt et James, psychologie et philosophie sont entremêlées ! il faudra encore du temps pour que la psychologie prenne son autonomie !

Pour ma part, j'envisage d'ici 2 ou 3 ans des études de psychologie à la fac de Rennes 2 par correspondance, car c'est là encore un domaine passionnant et stimulant pour l'esprit !

Je tiens à signaler mes sources pour cet article à savoir le livre "Une Histoire des Sciences humaines" - Éditions Sciences humaines - sous la direction de Jean-François Dortier - article éponyme ! Livre qui donnera peut-être lieu à d'autres articles sur ces blogs !

A bientôt !

Les origines de la psychologie - Une histoire occultée
Les origines de la psychologie - Une histoire occultée
Les origines de la psychologie - Une histoire occultée

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La méthode - Tome 1 : La Nature de la Nature - Edgar Morin

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J'avais déjà eu l'occasion il y a longtemps de vous parler d'Edgar Morin à travers notamment son livre-manifeste, La Voie. Nous allons, à partir d'aujourd'hui, revenir sur chacun des six tomes de La méthode, sa grande oeuvre - avec aujourd'hui le premier volume : "La Nature de la Nature" !

Auparavant, dit Edgar Morin, l'univers était pensé comme un mécanisme d’horlogerie (Copernic, Newton), puis le chaos et le désordre firent leurs apparitions ! Ce sont les Lois de la Thermodynamique, la physique quantique, le concept de Big Bang ! Il se dégage au bout du compte que, contrairement à ce que l'on a d'abord pensé, l'ordre est l'exception !

Morin a bâti son œuvre autour de l'idée de "Pensée complexe" ! Dans cette optique qui pense les contradictions et les contraires, ordre et chaos s'articulent. L'ordre naît du désordre : collisions, "rencontres" permises par le bouillonnement chaotique ! De plus, l'ordre se régénère ! De l'atome, on passe à la molécule puis à la vie, aux sociétés et enfin aux idées : complexification donc !

De plus, la position de l'observateur nous place dans l'incertitude. Or depuis la "révolution copernicienne" opérée par Emmanuel Kant, la science s'est déplacée de l'objet vers le sujet !

Morin pense ensuite les "systèmes" : des systèmes atomiques au système social ! Là apparaît la notion d'organisation. Tous ces différents systèmes sont encastrés : le tout et les parties, avec son lot d'émergences et de contraintes ! Il existe même, ainsi, des "systèmes de systèmes" !

On a deux écoles de pensées, bien connues en sociologie par ailleurs, le "holisme" (Aristote) et le "réductionnisme" (Descartes) . On théorise selon différentes perspectives en effet ! Le "système" est aussi une "classification" de l'intellect. Il faut penser une nouvelle méthode qui pense les oppositions !

Par ailleurs, le système est en équilibre : organisation et désorganisation entre lesquelles il oscille ! Mais aussi régénération et dégradation, naissance et mort !

Il faut de plus penser l'action - par laquelle opère le système ! On a d'une part "praxis" (production) et "poesis" (création).

Descartes a pensé l'être-machine - et la dualité du corps et de l'esprit/âme ! Morin reprends cette thématique et théorise les machines : machines physiques (soleils par exemple !) et machines vivantes mais aussi mégamachines sociales et ses prothèses : les machines artificielles qui ne se régénèrent pas et qu'on a établit en parfait modèle de la machine ! Or il faut dépasser ce paradigme de la machine artificielle comme modèle car elle constitue en réalité une exception à partir de laquelle on a tort de penser ! La machine artificielle a de l'être mais pas de soi !

La rétroaction, la récursivité, le lien avec la régénération, le soi comme état stationnaire sont des caractéristiques des machines mais qui ne sont pas présentes chez les machines artificielles. Chez ces dernières, ce qui est régulé, c'est le fonctionnement et elles sont régénérés depuis l'extérieur (techniciens). A contrario, on a l'homéostasie des êtres vivants !Il s'agit de lier machine et idée de soi !

On a, de plus les systèmes ouverts et les systèmes fermés - chers à la thermodynamique, ce qui permet à Morin d'aborder des concepts comme l'entropie et l'information. Chaleur et dégradation ! Or les systèmes clôts n'existent pas ! Il y a toujours ouverture et fermeture ! Et aussi une dépendance écologique à l'environnement, même si les êtres vivants ont une autonomie de comportement.

Morin aborde ensuite longuement les problématiques de l'information. Il y a des rétrocontrôles négatifs (feedback) qui éliminent les déviances et des rétrocontrôles positifs qui relancent la poesis.

Le penseur de La méthode aborde aussi la question du temps dont il dit que le temps linéaire disparaîtra au profit d'un temps circulaire qui régnera - "éternel retour" du vivant notamment ! Pas vraiment ! Car si la vie est REcommencement, REproduction et REgénération, des changements apparaissent de manière subtile (mutations génétique).

Qui dit information, dit cybernétique ! Parmi les autres idées que Morin pose, il y a cette formulation de "formes tourbillonnaires" -métastables, dirait Bernard Stiegler ! Et avec la cybernétique, il existe des appareils" régulateurs" qui introduisent le concept d'asservissement ! L'Homme asservit la force de la Nature : le feu puis la forge, le moulin à vent et à eau, l'ère industrielle, la machine à vapeur, le nucléaire... Il y a un réel risque de technocratisation et de plaquer la pensée de l'ingénieur sur tout le social ! Il y a de plus une opposition entre finalité "vitaliste" et une finalité venue de la cybernétique, une finalité machiniste !

Morin établit qu'il existe une boucle épistémologique : physique/ biologie/ anthropo-sociologie dont les relations conduisent au besoin d'utiliser la Pensée complexe ! De même, le concept d’énergie émerge au XIXème siècle propre à l'industrialisation et déploie la mythologie de l'homme. On enlèves les âmes, les génies, les dieux comme principes générateurs et explicatifs pour se reposer sur la Science ! Penser mythique, puis théologique puis rationnelle !

Est ensuite introduit la notion d'organisation - avec celle de Néguentropie et toujours celle d'information ! Par exemple, entropie et dégradation des protéines sont régulées et corrigées par le caractère informationnel des gènes et de l'ADN ! Vie et mort sont étroitement mélés - voire le phénomène de mort cellulaire ou apoptose ou encore se reporter à la citation bien connue d'Héraclite : "vivre de mort, mourir de vie." ! Le Ying et le Yang en d'autres termes. Les êtres vivants sont des machines néguentropiques, qui se dégradent et se régénèrent, des formes particulières de la néguentropie !

L'auteur de ce tome 1 de la Pensée complexe montre ensuite les rapports entre matière/énergie et information, cette dernière étant un "caméléon conceptuel" ! Il y a quantité d'information qui est inférieure en importante à l'organisation de cette information. Le code génétique porté par l'ADN est un concept anthropomorphe qui engage l'humain ! Et puis, il y a la notion de programme - génétique notamment - qui est une notion issue des machines.

Dans le domaines des comparaisons douteuse, il y a celle du cerveau et de l'ordinateur dont on peut établir que celui-là n'est aucunement celui-ci ! Le cerveau n'est en effet pas digital mais analogique !

Vers la fin de l'ouvrage, Edgar Morin décrit les processus longs : apparition de la vie, sélection et adaptation du vivant, et là encore pensés dans le cadre organisation et information, couplage avec le codage par l'ADN et aussi de multiples rétroactions !

Voilà, j'ai essayé de synthétiser différents aspects de ce tome 1 : "La Nature de la Nature" de cette méthode ! Il y aurait beaucoup à dire encore ! A n'en pas douter voilà un ouvrage - une série d'ouvrages ! - très riche(s) et qui font autorité parmi leurs émules ! Une œuvre très riche et détaillée qui se veut refondatrice du savoir !

On se donne rendez-vous prochainement pour le Tome 2 : "La Vie de la Vie" !

A bientôt !

La méthode - Tome 1 : La Nature de la Nature - Edgar Morin

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