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philosophie

Hegel et la Révolution Française - Joachim Ritter

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Comme je vais aborder ici un livre de Philosophie un peu pointu, cet article s'adresse aux initiés - "on est entre bonnes gens" ! Et pour le coup, je m'assois un peu sur le côté "la culture à portée de tous" de ce blog, l'accès à cet article ne vous est pas interdit mais sachez qu'on ne va pas parler de maquillage ou de people ! Et je me suis replongé dans mes "bouquins moisis" comme dirait mon pote Gautier qui est un Apostat !

En fait de bouquin, j'ai ouvert le bulletin très spécialisé de la "Bibliothèque des Archives de Philosophie", un opus consacré à une étude de Joachim Ritter sur "Hegel et la Révolution Française ! Entrons sans plus attendre dans le vif du sujet !

Après la parution de sa Philosophie du Droit, les critiques envers cet écrit de Hegel non pas manqué. Notamment, Rudolf Haym le qualifié de « dictateur philosophique de l’Allemagne » et de réactionnaire qui a permis la restauration prussienne. Selon ce commentateur, Hegel aurait donné une « justification scientifique » du système policier prussien.

Tout d’abord, une des grandes théories de Hegel est que « le rationnel est réel et le réel est rationnel. ». Hegel est aussi accusé de diviniser l’État comme incarnation de la raison dans le réel. Ainsi, la raison se réalise. Or, avec la Revolution française qui marque une rupture dans l’Histoire, le Sacré s’est retiré du Monde, Dieu en a été chassé et les Hommes se replient sur leur intériorité et cherchent les causes dans la Nature.

Toute la vie et toute l’œuvre de Hegel reposent au fond sur cet événement fondamental qu’a été la Révolution. Contrairement aux Romantiques comme Novalis et a la Restauration, Hegel ne cherche nul retour en arrière et revenir à l’ancien système juridique n’aurait aucun sens dans ce monde qui a changé. La Révolution a mis en avant une idée nouvelle, celle de liberté (avec la Déclaration des Droits de l’Homme) et tout le Droit futur reposera là-dessous. Toutefois Hegel reconnaît l’incapacité de la Révolution à créer un système politique stable.

La Philosophie renonce à la Métaphysique et le Religieux s’efface - c’est ce qui sera théorisé juste après la mort d’Hegel par « les Trois États » d’Auguste Comte. Il y a eu une scission entre l’objectif (avec la science expérimentale) et le subjectif (avec le mystique et le Romantisme). Ces deux courants égaux avancent désormais en parallèle.

Hegel étudie ensuite la société civile qui est centrée sur l’Homme et ses besoins et est une sorte de contre-pouvoir. De longs passages lui seront consacrées dans la Philosophie du Droit. Hegel s’est en effet plongé dans l’économie politique anglaise. Il y cherche une théorie inductive adaptée à la nouvelle réalité sociale car la philosophie de Hegel est aussi une philosophie du présent, située dans l’Histoire.

Pour Hegel, mais déjà chez Adam Smith, la division du travail devient le principe constitutif de la société (et déjà Hegel ouvre la voie à Marx). La société civile industrielle accumule alors les richesses, génère un système de classe et doit s’étendre par la colonisation et cette société civile est alors appelée à devenir universelle. Mais Hegel visionnaire pose qu’un jour les colonies se libèreront comme on a autrefois libéré les esclaves. Et au passage, la société civile entre au cœur de la Philosophie. Elle devient le problème.

Hegel est bien conscient de la contradiction entre une nouvelle société qui repose sur la promotion de la liberté en faisant sauter toutes les entraves et l’existence de classes aliénantes - la plèbe - qui naissent avec l’orientation industrielle - découlant des sciences et techniques de cette nouvelle société. Mais bon, Hegel, c’est aussi la Dialectique et le dépassement des contraires.

Et en face de cela, on a les tentatives de Restauration qui tentent de ramener l’Homme dans son Histoire.

Enfin c’est la théorie de la société civile qui permet d’expliquer la scission qui apparaît alors d’où résulte l’objectivité qui pousse cette société civile industrielle. Hegel postule aussi une nature intemporelle de l’Homme malgré tous les changements historiques, ce qui résout bien des questions. Cette nature de l’Homme qui ne change pas est aussi un fondement de la société civile.

La société civile considère l’Homme exclusivement comme un être de besoin et le détache de son passé historique. Hegel est le premier à l’avoir compris. Une telle société permet-t-elle alors de s’émanciper, de réaliser la liberté ? En un certain sens, oui puisqu’elle se moque de ses appartenances communautaire, religieuse ou autre et ne souhaite que la satisfaction de ses besoins et son bonheur.

La Revolution a apporté une chose : la liberté est le droit pour tous les hommes. La subjectivité continue de s’exercer de son côté pendant que l’objectivité règle le monde industriel, d’où la scission, qui résulte de la Révolution.

Voilà, il y a un second texte dans ce Bulletin de Philo, sur "Personne et propriété selon Hegel" et j'y reviendrai peut-être aussi - et parlerai aussi un jour de la Philosophie du Droit en propre.

En attendant, je vous annonce que dans les semaines toutes proches, je vais valider ma Licence de Psycho et l'an prochain, en 2023 - 2024, j'espère être en double cursus de Masters : Master M1 Philosophie dans tous les cas et soit Master M1 Sociologie ou Master M1 Histoire Métiers du Patrimoine ! Vais acquérir encore pleins de connaissances - et en autodidacte à côté - dont je vous ferai profiter ici !

A bientôt !

Hegel et la Révolution Française - Joachim Ritter

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Histoire de mes idées philosophiques - Bertrand Russell

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Je vais maintenant vous faire un compte-rendu du livre de Bertrand Russell, Histoire de mes idées philosophiques  où il retrace son parcours intellectuel. Mais en réalité, j'y renonce par avance car j'ai trouvé l'ouvrage et de manière générale ce qu'on appelle la philosophie des mathématiques, de la logique et du langage dont la Philosophie analytique anglo-saxonne fait son lit depuis le XXème siècle, très ardus ! On prétend que la prose de Russell s'adapte au lectorat pour être compréhensible de tous, je ne trouve pas ou alors c'est moi qui suis devenu subitement débile ? Et je trouve aussi par moment qu'il se perd dans des arguties ou enfonce des portes ouvertes.

Néanmoins, le livre et la pensée de Russell sont très intéressants et ce n'est pas pour rien qu'il est considéré comme un des plus grands philosophes du XXème siècle, de la trempe d'un Heidegger, d'un Wittgenstein ou d'un Sartre. Je vais donc poser ici quelques principes de sa philosophie logique telle qu'il l'a exposé dans son autre livre très célèbre, les Principia Mathematica  - qu'on peut traduire par les "principes des mathématiques" - coécrit avec l'autre grand logicien et mathématicien Whitehead qui réédifient la Logique avec la même ampleur que l'a fait Frege.

Cette Histoire de mes idées philosophiques, si vous êtes un peu versé dans la discipline, concerne surtout la Logique et la démarche scientifique - et le rapport à la "Vérité" et à une certaine vision du monde qui existe en lui-même et pas que dans notre esprit (contre Kant donc !) plus qu'il ne détaille la pensée politique de Russell, par ailleurs très engagé sur ces points, contre les Guerres, que ce soit la Grande Guerre ou la Guerre du Viet-Nam et pour le désarmement !

Russell est partisan d'une philosophie scientifique à une époque où certaines de ses branches - comme la psychologie - se détachent de la philosophie sous l'action des progrès des sciences. Russell a donc bien flairé l'air de son époque. Il propose d'appliquer cette doctrine scientifique à des phénomènes relevant jusque-là de la métaphysique comme la connaissance de l'esprit, de la matière et des relations entre les deux, de la connaissance en général et de l'existence du monde extérieur.

En Logique, on doit à Bertrand Russell le développement du calcul des prédicats de premier ordre, la défense du logicisme, le paradoxe de Russell et la théorie des types. Il mène aussi une longue réflexion dans ce cadre et y revient, dans le livre qui nous intéresse ici, sur les Universaux et les Particuliers, rendus célèbres par la scolastique au Moyen-âge. Au moment où la Logique est devenue une science à part entière sous l'impulsion de Frege, Russell construit lui-même un calcul des propositions, un calcul des classes et un calcul des relations d'après une analyse des propositions qui révelèra quelques paradoxes.

La Logique est composée depuis Aristote et reprise par Descartes et Port-Royal de jugements et de jugements d'idées que l'on énonce en propositions, propositions que l'on combine ensuite.

Parmi les paradoxes révélés par les analyses de Russell, je n'en citerai qu'un histoire de vous faire cogiter - loin de moi l'intention de vous retourner le cerveau avec "le paradoxe du barbier" : on considère un barbier « qui rase tous ceux et uniquement ceux, qui ne se rasent pas eux-mêmes ? » — situation qui engendre la question insoluble : ce barbier se rase-t-il ?

Voilà je vais m'arrêter là même si j'aurais pu encore vous entretenir de philosophie du langage. Ce qu'il faut retenir, c'est que Russell a fait date car il est le fondateur de la Philosophie analytique !

A bientôt ! A une prochaine fois !

Histoire de mes idées philosophiques - Bertrand Russell

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Psychologie, morale et culture - Manuel Tostain

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L'universitaire Manuel Tostain a publié il y a plus d'une vingtaine d'années un livre aux presses universitaires de Grenoble pour nous expliquer en quoi consiste la morale, et comment elle s'acquiert et dont découle la psychologie morale. Dans Psychologie, morale et culture, on repart de la définition de base donnée par Emmanuel Kant qui croyait en une morale inconditionnelle et universelle car basée sur la rationalité elle-même partagée par tous. Mais par la suite, le point de vue universaliste va se heurter aux points de vue culturaliste et relativiste.

Pour savoir comment l'individu acquiert la morale il faut remonter aux travaux de Piaget qui outre le développement des capacités cognitives et de raisonnement de l'enfant, s'est intéressé à la morale. Selon le modèle piagétien, l'enfant, bien que capable très tôt de prendre en compte les intentions des acteurs, est facilement influencé dans son jugement par les conséquences matérielles des conduites. L'enfant possède une responsabilité objective qui néglige les raisons qui ont poussé les personnes à agir. De plus l'enfant croit fréquemment en un monde juste où tout est noir ou blanc et jamais gris.

La morale initiale de l'enfant est donc très  rudimentaire car il reste soumis à l'adulte et il n'acquiert aussi une morale plus subtile qu'avec le développement de ses capacités intellectuelles vers 11 - 12 ans.

Un autre chercheur,  Kohlberg complète le tableau de Piaget en montrant l'aspect souvent conventionnel de la morale des enfants mais aussi des adultes et établit 6 stades où les conduites morales sont fréquemment motivées par un besoin d'approbation par les autres et selon leur conformité à des prescriptions sociales admises et partagées mais discutables.

Les six stades de la morale de Kohlberg vont du plus simple où l'individu ne prend en compte que son propre intérêt puis s'étend progressivement à l'entourage, à la société puis au bien de l'humanité tout entière ! Les plus hauts stades moraux selon lui ne sont l'apanage que des gens qui ont fait des études supérieures et des philosophes voire des Saints ! Ce modèle a été très critiqué car il postule que les sociétés traditionnelles ou primitives ont un degré de morale moindre. En réalité, Kohlberg adopte trop le point de vue occidental et libéral ! Chez Kohlberg, les six stades se succèdent au cours du temps.

Kohlberg est notamment interrogé par Turiel qui fait lui la distinction entre différents sortes de prescriptions morales selon leur nature. Il y a ce qui relève de l'ordre moral général et ce qui relève de conventions relatives et spécifiques à un groupe, à une culture. Avec Turiel, le relativisme fait son entrée.

La morale de Kohlberg s'applique aussi davantage à des hommes qu'à des femmes et c'est ce que montre Gilligan, les femmes ne sont pas moins morales que les hommes mais du fait de leurs expériences de vie ont une morale différente, qui est basée sur la sollicitude, l'aide à autrui là où celle des hommes est fondée sur la justice.

La morale varie donc selon les cultures mais il reste cependant un socle commun. Les prescriptions morales possibles sont si diverses qu'une culture donnée ne saurait toutes les adopter et opère un choix. A l'heure où la question du multiculturalisme et du choc des cultures, des peuples de morales différentes - aucune n'étant supérieure à une autre - peuvent-ils trouver un terrain d'entente, ne serait-ce qu'au niveau juridique ?

Le dernier chapitre aborde l'aspect social de la morale et parle notamment d'éducation des enfants en opposant une version "autoritaire" de l'éducation - qui serait le propre des classes populaires - et une éducation "humaniste" apanage des classes huppées ! Il va sans dire que je ne souscris pas à cette vision, Ténardier et Cosette, c'est fini - on peut cependant comprendre qu'un mode de vie plus difficile et paupérisé accroit les risques  - de délinquance notamment - et exige un encadrement plus ferme.

J'ai aussi beaucoup apprécié la distinction opérée entre "rationalisation" et "internalisation" des comportements - qui consiste dans le premier cas à atténuer soi-même un dilemme et une souffrance morale lors d'une action entreprise par la personne et dans le second cas à ramener à soi-même l'origine de son comportement qui est en fait causé par des éléments extérieurs - dans ce deuxième cas, la manipulation mentale n'est pas loin !

Voilà, un livre très intéressant mais qui date un peu ! J'imagine que la recherche a progressé depuis !? Je vous tiens au courant !

A bientôt !

Psychologie, morale et culture - Manuel Tostain

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Esthétique et métaphysique - Arthur Schopenhauer

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On a souvent parmi les étudiants en Philosophie l'image d'Arthur Schopenhauer comme un Philosophe pessimiste voire misanthrope qui n'aimait que son caniche ! Il n'en reste pas moi que pour moi c'est un de mes philosophes préférés. Son maitre ouvrage - qui inspira Nietzsche - est Le monde comme volonté et comme représentation  qui ne rencontra de l'écho que sur le tard.  Mais ici je vais vous parler des trois petits essais de Esthétique et métaphysique qui fait partie de l'ensemble plus vaste qu'est Parerga et paralipomena,  publié en 1851 et qui reprend des concepts de son oeuvre maitresse.

Pour Schopenhauer, il y a deux choses dans le monde, la Volonté d'une part et la Représentation d'autre part. La Volonté est la véritable essence derrière les choses et elle n'est pas connaissable, elle demeure cachée et insondable et selon mon interprétation elle préfigure un peu les concepts vitalistes que défendra plus tard un Bergson  - ou encore le "vouloir vivre" de Nietzsche.

La Volonté mène le monde et s'instancie objectivement dans les idées, les êtres et nous-mêmes. Elle est notre part subjective. La Volonté se montre dans la représentation qui est sa manifestation, découle d'elle mais elle, elle demeure inatteignable !

Dans le premier essai, Schopenhauer se penche sur le destin, le fatum et la Providence ou pour le dire autrement sur le contingent et le nécessaire. La Volonté rend-t'elle le monde nécessaire ? Tout découle de la causalité qui découle de la Volonté et l'Homme court vers son malheur dans une vie de souffrances. Ce n'est pas le bonheur qui constitue la positivité mais la souffrance, le bonheur est une circonstance par défaut.

Ce premier essai a pour titre : " Spéculation transcendante sur l'apparente préméditation qui règne dans la destinée de chacun" où notre auteur démontre qu'on ne peut prédire l'avenir car si la Physique fait effectivement des prédictions sur le monde - en fonction de lois qui découlent du général et de l'universel, l'astrologie ne saurait faire de même car elle s'intéresse aux destins singuliers et nulle loi ne peut être tiré du singulier.

Le second essai porte sur la question du génie. Il s'intitule " Pensées se référant sous tout rapport d'une manière générale à l'intellect". On peut voir aussi cette essai comme un traité de psychologie avant la fondation véritable de cette discipline par Wundt et confrères. Schopenhauer y mentionne notamment les mécanismes de la mémoire.

Qu'est-ce que l'intelligence ? Et qu'est-ce par rapport à la Volonté ? Il y a l'intelligence pour les choses communes et le surplus d'intelligence qui n'est véritablement pure et objective que quand elle est dégagée de la Volonté et du subjectif.

Schopenhauer dresse une ligne de partage entre les gens du commun, engoncés dans leurs affaires triviales, obéissant à leur ventre et ne s'intéressant qu'au négoce et aux choses matérielles et les génies - qui sont rares - et flottent un peu dans l'éther de l'esprit, ont une vision claire et parfaite du monde et sont désintéressés. Le génie n'oeuvre pas pour la postérité et il offre son savoir à l'Humanité qu'il fait progresser, savoir qu'il ne tient de personne. Je vous laisse deviner où Schopenhauer se situe en sous-texte ?

Le troisième et dernier essai, " Esthétique et métaphysique du Beau" parle d'arts et Schopenhauer y expose ses idées sur la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique (dans des pages très savantes qui dépassent de loin mes compétences en la matière), l'opéra, le drame, le roman, l'Histoire et même brièvement la mode et le journalisme. Certaines considérations sur les artistes rejoignent celles du deuxième essai sur les génies.

De manière générale, Schopenhauer semble regretter les artistes de l'Antiquité, les Anciens, et pense que l'art contemporain, l'art de son époque n'est que décadence ! C'est un constat qu'on retrouve à beaucoup d'époques chez beaucoup de critiques.

Voilà pour cette bref présentation ! Livre très intéressant, pas très épais, parfait pour la culture philosophique en attendant de se pencher dans les 2 gros tomes du Monde comme volonté et comme représentation.

A bientôt !

Esthétique et métaphysique - Arthur Schopenhauer

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Passions du concept - Etienne Balibar

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Un peu de philosophie et de réflexion épistémologique pour ce dimanche soir avec l'essai d'Etienne Balibar, Passions du concept, qui plus qu'un essai est plutôt un recueil d'articles et de conférences données par l'auteur - ouvrage assez ardu qui montre que Balibar est capable de pousser la réflexion assez loin (ce qui me fait doucement rigoler quand les merdias présentent Macron en élève de celui-ci alors que ce président imposteur et dévoyé est le dernier des ânes ! Mais bon je m'égare ! D'ailleurs Balibar ne le connait pas !).

Pour ma part, j'ai eu l'occasion d'assister à une conférence de Balibar, c'était au Mémorial de Caen, dans le cadre de mes études de Philo (suspendues pour le moment) en 2016 ou 2017.

Pour présenter cet ouvrage, et comme la tâche est difficile, je me contenterai exceptionnellement de faire un copier-coller de la page de présentation du livre sur le site de La Découverte car cela fera très bien l'affaire !

"Ce deuxième volume des Écrits d’Étienne Balibar est constitué de neuf études à caractère philosophique portant sur des auteurs classiques ou contemporains (Canguilhem, Badiou, Pascal, Machiavel, Marx, Foucault et Althusser, d’autres encore) et traversant les questions du savoir scientifique, de la « prise de parti » politique et de son incidence sur la connaissance, du statut de la théorie entre spéculation théologique et interprétation de l’actualité.

Rédigées entre 1994 et 2016, ces études illustrent le passage de l’auteur d’une épistémologie historique et critique, dont la question centrale avait été celle de l’articulation entre l’idéologie et la science, à une phénoménologie des énonciations de la vérité, dont le caractère intrinsèquement conflictuel, ouvert sur les « réquisitions » de la conjoncture, implique des interférences constantes entre la recherche de l’intelligibilité, le moment inéluctable de la décision et la répétition des grandes traditions spéculatives. Ces deux types de recherches, apparemment incompatibles, partagent une même passion du concept, qui est commune à tous les auteurs commentés.

Distribuées en trois constellations thématiques, les lectures proposées s’organisent autour de formulations symptomatiques dont on documente à chaque fois les trajectoires d’un auteur à l’autre : histoire de la vérité, point d’hérésie, idéologie scientifique. Elles débouchent sur l’esquisse d’une problématique de l’ascension polémique (par opposition à l’« ascension sémantique » des logiciens) à laquelle donnent lieu les confrontations théoriques en révélant dans l’actualité leurs enjeux de principe.".

Voilà, pour ma part j'ai trouvé les parties sur Foucault et Marx parmi les plus intéressantes !

A bientôt !

PS : Ceci est le 150ème billet "Philosophie" sur Overblog !
Passions du concept - Etienne Balibar

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La Technique et le Temps - Tome 2 : La Désorientation (2ème partie) - Bernard Stiegler

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On continue notre analyse assez détaillée dans la mesure du possible de Bernard Stiegler !

On a parlé précédemment du qui et du quoi. Le qui est bouleversé régulièrement par l'histoire du quoi, la société par les avancées technologiques. Elle a toujours un temps de retard, écrit Stiegler. Il y a un déjà-là commun qui voit se succéder les générations et le qui s'accomplit par rapport au quoi, ses prothèses.

Mais au XXème siècle, un important changement survient, une "désorientation", la délégation des programmes aux machines. L'industrialisation entraine la perte du sentiment d'appartenir à une communauté, puisque la communauté le cède aux machines qui se passent des groupes ethniques.

Et alors, on assiste à un décentrement de l'individu par la machine. C'est aussi le règne de l'automatisme contre l"intelligence et l'individuation. On a la planification technique avec le Taylorisme.

De plus, comme le pointe André Leroi-Gourhan le célèbre préhistorien, il y a délégation du savoir dans l'automatisation, les archives numériques (la magnétothèque, l'hypertexte et l'internet).

Le numérique appelle une nouvelle manière d'élaborer et de classifier les savoirs. Il y a extériorisation de la mémoire individuelle dès l'imprimerie. Avec l'imprimé émergent la philosophie moderne et le Protestantisme. Aucun cerveau humain ne peut désormais appréhender le contenu de toutes les bibliothèques, ce qui était encore possible avant la Renaissance. Fini les Pic de la Mirandole ! Tout ceci annonce aussi l'Intelligence artificielle.

Dans l'évolution technique, on note que outil et langage sont désormais devenus machine et écriture d'un même mouvement.

Parlons du style maintenant ! Il se dégage du déjà-là !  Mozart fait de la musique allemande, Proust de la littérature française mais la possibilité du style se dégage comme figure sur le fond d'un style déjà-là dont Mozart et Proust sont les plus hautes figures.

Bref, le style est occurrence mais dans le même temps, il s'arrache à des déterminismes. L'industrialisation est- elle la fin du style, de l'idiome ?

Ainsi Stiegler montre que l'obsession de l'Homme semble être la destruction du temps et de l'espace (le calendrier, l'architecture,...). Seul l'ermite se soustrait au temps et à l'espace ! Cependant le temps a priorité sur l'espace.

Stiegler note aussi enfin l'évolution de la lecture vers des supports imagés (le cinéma, la télévision), la magnétothèque, dans le futur,  supports plus maniables et qui demandent moins d'effort ! Là encore pour gagner du temps ! Je vous renvoie vers son autre livre, De la misère symbolique et l'article que j'ai fait dessus et je vous dis à la prochaine fois !

"Défi Lecture N°15-Bis".

A bientôt !

La Technique et le Temps - Tome 2 : La Désorientation (2ème partie) - Bernard Stiegler

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La Technique et le Temps - Tome 2 : La Désorientation (1ère partie) - Bernard Stiegler

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La Technique et le Temps est la grande somme de Bernard Stiegler qui devait comporter 6 ou 7 tomes mais n'en a que trois. Le décès prématuré du philosophe à l'été 2020 a hélas interrompu cette oeuvre. Nous allons nous intéresser présentement au Tome 2 de ce corpus, tome intitulé "La Désorientation".

Stiegler commence par faire un rappel de l'évolution de l'écriture, des pictogrammes à l'écriture alphabétique des Phéniciens en passant par l'écriture phonologique.

La technique/l'écriture en l'occurrence, va plus vite que la société et produit un effet de sidération qui conduit au concept cher à Stiegler de "redoublement épokhal" ! La société va s'adapter à ces nouveaux outils comme elle le fera par la suite avec l'imprimerie puis le numérique et internet.

Mais surtout, c'est l'écriture qui inaugure la scientificité de l'Occident.

Stiegler analyse donc Barthes pour la photographie et Bottero pour l'écriture et en tire des notions proches.

Dans le chapitre suivant, le chapitre 2, Stiegler écrit que "c'est le déterminisme de l'individu qui pose son inscription dans le groupe ethnique qui constitue un "déjà-là".

Le groupe ethnique suppose et rabaisse l'individualisme via l'écriture et la technique.

Pendant des siècles, le quotidien des hommes a été immuable. Mais depuis le XIXème siècle, le temps s'est accéléré et est apparu la notion de progrès ! Avec l'Ere scientifique et industrielle, tout est devenu changement et l'homme (le qui) est désormais dépendant des objets, ses prothèses (le quoi).

Le qui et le quoi sont dans une relation transductive écrit Stiegler et les systèmes de communication - depuis l'écriture, l'imprimerie, la radio, la télé, en passant par le cinéma et jusqu'à l'informatique et internet, n'ont cessé d'évoluer pour s'adapter aux changements induits par l'explosion de l'industrie. L'Homme est dépendant de la technique et de la technologie qui constituent sa mémoire  épiphylogénétique, autrement dit son héritage !

La faute à Epiméthée qui n'a pas doté l'Humanité selon le Mythe ! L'Humain est donc dans un état de "désorientation" car le social , la société, n'arrivent plus à s'adapter à la technique car cette dernière avance trop vite ! Le "redoublement épokhal" ne peut plus se produire et on est "sidéré"" ! Stiegler analyse ceci au début  dans les 4 chapitres du tome 2 de La Technique et le Temps s'intitule "La Désorientation".

Stiegler explique ensuite que ce qui nous inscrit dans l'historialité, c'est la présence du déjà-là, les objets déjà présents bien avant notre naissance dont les récits des Historiens où les photographies ne sont qu'une petite partie. On revient à la question des traces hypomnésiques, des documents et de l'écriture orthographique qui dit aussi le Droit !

Stiegler s'appuie sur La Chambre claire, ce texte de Roland Barthes où le sémiologue est frappé par la photographie de sa mère alors décédée qui revient comme un spectre, figure du passé pourtant présente à travers la photo ! Rapport entre studium (le spectateur via la photo - la culture) et punctum (la photo qui touche le spectateur).

Il y aurait beaucoup à dire sur La Chambre claire mais nous y reviendrons  le jour où j'analyserais l'oeuvre de Barthes.

L'Homme prend conscience de son "je" lors du stade du miroir mais par la même aussi de son incomplétude et de sa néoténie ! La photographie et le cinéma sont échos là où le miroir est Narcisse et Pandore. Finalement, l'homme recours aux prothèses et le qui se  révèle dans le quoi qui porte aussi l'historialité du quoi.

La technique est en fait une pensée du temps.

Ave l'écriture, apparaissent l'Histoire, le Droit, la Poésie, la Philosophie, la Science, la Religion... Elle se veut exactitude et a une visée communautaire. Mise par écrit, la loi ne peut plus être ignorée. De plus, ceci ouvre à l'interprétation, à l'herméneutique et à la glose.

Enfin,  lorsque je lis un texte de Platon, sauf feinte, j'accède à la pensée  de Platon.

L'écriture raconte notre passé  et quand nous nous réapproprions les théories mathématiques, nous les réactualisons.

Et l'écriture conduit aussi à l'autonomia, le citoyen éclairé. La prothèse est déjà là qui nous inscrit dans le temps,  le qui. Nous poursuivrons cet exposé dans la seconde partie !

"Défi Lecture N°15".

A bientôt !

La Technique et le Temps - Tome 2 : La Désorientation (1ère partie) - Bernard Stiegler

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Traité Théologico-politique - Spinoza

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Le Traité Théologico-politique (en abrégé TTP) est un des deux seuls ouvrages que Baruch Spinoza publia de son vivant, en 1670 et qui fit rapidement l'objet d'une interdiction. L'ouvrage fut publié en Latin et à destination du public lettré. Le philosophe y aborde la question des rapports entre la Philosophie et la Théologie ainsi que celle de la liberté de pensée. Le livre s'organise en deux parties, la première allant des chapitres 1 à 15 aborde la religion et la seconde qui couvre les chapitres 16 à 20 est sur la politique.

Pour Spinoza, Philosophie et Théologie doivent demeurer indépendantes et aucune ne doit être asservie à l'autre car leurs propos, leurs fonctions, leurs champs d'application ne sont pas les mêmes.

On a tout d'abord la Religion qui se fonde sur la Foi, s'établit sur la Bible - et Spinoza, accusé par ailleurs d'athéisme, se livre à une exégèse poussée des Ecritures. Il est question dans la Bible de Révélation celle des Prophètes. Or les Prophètes ne recourent pas à l'entendement mais à l'imagination. Dieu leur a adressé des messages par le biais de cette faculté et en fonction de leurs personnalités. Dieu leur a également envoyé des signes pour leur prouver qu'ils ne déliraient pas et les a choisi car ils menaient une vie exemplaire.

Le plus célèbre de ces Prophètes est Moise qui fonda l'Etat des Hébreux. Le Prophète sert d'intermédiaire entre Dieu et la foule et la plèbe acquièsce à son message par le biais de la Foi. La Bible ne contient pas un savoir spéculatif ou démonstratif mais appelle à l'obéissance et à la soumission. Dans le cas de l'Ancien Testament, il ne s'agit pas de révéler des Vérités Eternelles, la Nature de Dieu ni de gloser  - mais de donner les Lois qui permettront aux Juifs, à leur sortie d'Egypte, de se constituer en Nation.

La Bible recourt aux miracles, aux récits historiques et à l'expérience car le vulgaire est en proie à la superstition et ressent alors de l'admiration - qui coupe court à toutes réflexion devant les miracles. Le commun vit dans la crainte face à l'incertitude de la Fortune - bien qu'il vive sur le mode de la Contingence car il ignore les causes qui déterminent la Nécessité - et la superstition lui apporte des réponses pour le rassurer.

La Philosophie, elle, se fonde sur la Raison et recourt à l'entendement. Elle utilise des notions communes mais ces notions communes sont en nous du fait de notre nature qui n'est qu'une manifestation finie de la substance infinie de Dieu. Le vulgaire ne recourt pas à l'entendement bien qu'il s'agisse d'une capacité de tout homme car elle est donnée par Dieu. En effet, la plèbe est distraite par ses passions et la vie au quotidien qui ne sollicite que son imagination qui est à contrario une connaissance amputée.

La science est la connaissance des causes et comme la cause ultime de tout réside en Dieu, l'entendement consiste en la connaissance de Dieu. C'est le sens de la Loi Divine et de la Béatitude qui est à la fois la finalité et le moyen : parvenir à la connaissance de Dieu - qui est un processus, une quête sans achèvement, jamais un état - et cette connaissance de Dieu est aussi l'Amour de Dieu.

Dieu est aussi vu comme un monarque qui édicte des Lois - les Décrets de Dieu - qui fixent les Lois de la Nature. Mais cette vision des choses résulte de l'ignorance car Dieu ne prends pas de décisions arbitraires, il ne fait que réaliser ce qu'il entend. C'est une nécessité qui découle de sa nature.

Dans la partie "politique" après avoir expliqué le fonctionnement de l'Etat Hébraïque, Spinoza pose que le Droit Divin doit être accordé par le Droit du Souverain et en quelque sorte en être séparé. Les monarchies sont alors des monarchies de Droit Divin mais c'est le Souverain qui accorde du pouvoir à l'Eglise, c'est en ce sens qu'il faut le comprendre. Les hommes renoncent au Droit Naturel pour créer le Droit Civil. Le rôle de l'Etat est d'assurer la sécurité des hommes dans des corps sains.

Et enfin Spinoza conclut sur la liberté de pensée - et a aussi posé que les Théologiens ne doivent pas débattre de Philosophie ! Cette liberté de pensée doit être accordée car on ne peut pas diriger les esprits et des hommes qui ne pourraient s'exprimer librement mèneraient à une république de dissimulation et de faux-semblants. Cette liberté de pensée a pour seule limite de ne pas mener à des actes séditieux, ni de professer la haine. Seuls les actes doivent être réprimer mais pas les paroles.

J'ai été marqué par ce TTP - sur lequel j'ai eu des cours cette année à la fac ! Un texte qui demeure d'une brûlante actualité devant les abus du pouvoir que l'on observe dans nos sociétés en 2021 !

Je dédie ce billet à François-Olivier T., un collègue philosophe et à Gautier B., pour lui prouver que mes "bouquins moisis" ont encore de la pertinence !

"Défi Lecture N°8"

A bientôt !

Traité Théologico-politique - Spinoza

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Anthropologie structurale - Claude Lévi-Strauss (3ème partie)

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Il est temps de présenter succinctement la Section 3 d'Anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss, qui comme son entête l'indique, est consacrée à la "magie et religion".

C'est notamment dans ces chapitres, après avoir parlé des systèmes de parenté que l'auteur va revenir sur l'analyse des mythes, constitués de mythèmes qui sont par analogie, l'équivalent des phonèmes en Linguistique.

Notre anthropologue est connu pour avoir brassé un grand nombre de mythes et de récits indigènes pour en dresser les similitudes et variations et en découvrir la structure cachée, inconsciente qui est à l'origine de toutes ces légendes. Il établit aussi par la suite une relation, un parallèle avec les systèmes de parentés, suggérant que tel mythe est lié à tel système de parenté, tel filiation et telle lignée.

Il m'est bien sûr impossible ici de rentrer dans le détail de l'analyse des mythes telle que la pratique Lévi-Strauss. Il prend soin de préciser que pour mieux comprendre les structures, il est amené à dresser des tableaux comparatifs et plus encore des "grilles" en trois dimensions voire encore plus de dimensions ! Un travail considérable encore à effectuer à l'heure actuelle alors que ces tribus primitives disparaissent sous les assauts de la mondialisation ! Un travail que je pourrais faire en mémoires et thèse de Sociologie sauf que je travaillerai plutôt sur l'I.A. au quotidien et sur la "réinsertion des handicapés psychiques dans le Calvados" !

Lévi-Strauss décrit assez précisément un certain nombre de rituels et de mythes dans les chapitres 11 et 12 de son livre et c'est assez technique ! Il analyse aussi à titre d'exemple le Mythe d'Oedipe, revient sur les travaux de collègue, dévoile certains éléments mythiques comme les antagonismes avec les dieux, la rôle symbolique d'activités come la cueillette l'agriculture et la chasse ! Dans les faits, rites et mythes sont liés mais plus surprenant, il arrive aussi qu'un mythe d'une peuplade évoque des pratiques rituelles et des usages sociaux qui sont ceux d'autres peuples que la tribu concernée.

Il est aussi question de sorciers et de magie, notamment le mythe très cocasse du "garçon enceint". Un jeune sorcier refusa un jour de confier ses secrets à un vieux sorcier venu avec sa femme - pour la simple raison que ce jeune homme n'avait pas encore accumulé de savoir ! En punition, le vieux sorcier le mettra enceint et ce seront des animaux magiques qui feront avorter le pauvre garçon.

Sur les sorciers à proprement parler, Lévi-Strauss montre la fonction psychologique du sorcier et la fonction sociale. Le sorcier - qui si ses pratiques relèvent la plupart du temps du charlatanisme et de la manipulation - arrive à influencer les esprits de ses patients.  Ce n'est pas parce qu'il guérit qu'il est un bon sorcier mais parce qu'il est un bon sorcier qu'il guérit.

L'auteur établit un parallèle entre chamanisme et psychanalyse, dit à juste titre que nos sociétés à nous Occidentaux, sont passées de mythes collectifs - et donc avec leurs prêtres et chamans - à des mythes individuels - qui relèvent alors du Divan du thérapeute et autres psychologues. Je trouve très juste quand il dit que celui qui connait une bouffée délirante essaie en fait, inconsciemment sans doute ? - de donner du sens à une existence qui en est dépourvu - même si c'est une symbolique qui est délirante ! Pensée "normale" et pensée "pathologique" ont chacune  leurs vertus ! Une connaissance à moi, très étroite d'esprit et pas prête à remettre en questions ses dogmes, m' a dit " non la bouffée délirante et la folie, c'est chimique et c'est le cerveau qui déconne" (donc on traite par médocs et pas par la parole !). Moi, je pense que les deux explications - le biologique et la symbolique - ne s'excluent pas et que le cerveau fige ensuite dans ses circuits les contenus traumatisants ! Mais revenons à nos moutons !

Le sorcier qui n'est plus reconnu socialement, est mis au ban et perd ses pouvoirs  - car à côté de la psychologie, il y a la fonction sociale du sorcier et du chaman !

Voilà, je vais m'arrêter là et vous donne rendez-vous pour la quatrième partie sur la Section suivante qui parle d'Art (ce qui va plaire à ma camarade Nesha !).

A bientôt !

Anthropologie structurale - Claude Lévi-Strauss (3ème partie)

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Anthropologie structurale - Claude Lévi-Strauss (2ème partie)

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Intéressons-nous maintenant à la deuxième section du recueil d'articles de Claude Lévi-Strauss connu sous le titre d'Anthropologie structurale. Cette seconde question est consistante et se nomme "Organisation sociale".

Rappelons que l'Ethnographe a pour tâche de collecter des données sur les peuples (dits "primitifs") sur le terrain. Ensuite, c'est au tour de l'Ethnologue de rassembler les données empiriques des différents ethnographes pour tenter d'en dégager une synthèse. On sait que le terrain de recherche de Claude Lévi-Strauss a été, durant les années 1930, l'Amérique du Sud et en particulier le Brésil et il parle longuement de ce qui a constitué sa première période (les 4 tomes des Mythologiques en constituant la seconde, nettement plus théorique) dans le livre Tristes Tropiques - qui se lit comme un roman - et l'a révélé au grand public, en 1955 (soient trois ans avant Anthropologie structurale).

Au Brésil, Claude Lévi-Strauss a cotôyé les populations connues sous le terme générique de peuples des Gé et en particulier les indiens Nambikwara qui sont un peuple autochtone du Nord-Ouest du Mato Grosso (Brésil central). Il est aussi question des Bororo.

La section nommée "Organisation sociale" est constituée de deux gros chapitres. Précédemment dans le même ouvrage, l'auteur s'était interrogé sur le terme de "Primitifs" concernant ces peuples. Sont-ils désignés ainsi parce que ce sont des mini-sociétés qui ne font que survivre et n'ont aucun avenir dans notre monde moderne et technologique ?

En réalité, c'est plus une question épistémologique et de définition car ces peuples et les ethnologues qui les étudient ont une vision de leurs organisations sociales qui est fausse ! Lévi-Strauss plaide pour un retour généralisé au travail de terrain pour avoir une appréhension plus juste de ces réalités.

Qu'en est-il exactement ? Qu'est-ce que moi, avec l'auteur, j'entends par là ? Longtemps a prévalu en anthropologie une version dualiste de ces sociétés, c'est à dire qu'on les conçoit - et les indiens se pensent aussi eux-mêmes comme ça, comme des organisations fondées sur deux groupes qui échangent des ressources, en particulier des femmes qui sont plus une ressource économique que sexuelle (le célibataire est voué à dépérir dans ces sociétés !). Claude Lévi-Strauss étudie les échanges exogamiques et endogamiques - mais ces termes sont problématiques chez lui car un échange peut être exogamique au sein des familles tout en étant endogamique dans l'ensemble qu'est le clan.

Le livre fournit de nombreux schémas dans ces deux chapitres sur la disposition des huttes et la symboliques des différentes zones. On voit notamment apparaitre une disposition concentrique. L'auteur aborde des thématiques comme les lignées patrilinéaires (par rapport aux mâles) ou à contrario matrilinéaire. Je ne perdrais pas de temps ici à définir les termes de cousins croisés bilatérales et autres joyeusetés car c'est assez compliqué ! On a là une étude très pointue dont la conclusion est que le modèle dualiste qui a eu si souvent cours est caduc ! Il y a échange de femmes d'une famille à une autre puis entre une à trois générations plus tard suivant les modèles, la famille qui a donné une femme en reçoit une à son tour de la famille à qui elle a fait ce don.

Voilà, j'en reste là pour le moment. On peut dire que les moeurs qui sont présentées ici sont assez dépaysantes avec leurs obligations et interdits pour nos sociétés occidentales où on est censé pouvoir épouser qui l'on veut (à l'exception de ses frères et soeurs bien entendu car l'interdit de l'inceste est universel !).

A bientôt pour la section 3 qui traitera de la magie.

PS : Quant à moi, je fête ce soir l'obtention de ma Licence de Sociologie !

Anthropologie structurale - Claude Lévi-Strauss (2ème partie)

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