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La Mort d'Ivan Illitch - Léon Tolstoï

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Les œuvres les plus connues de Tolstoï demeurent La Guerre et la Paix et Anna Karénine.

Je vais ici m'interesser à un petit corpus de nouvelles (deux nouvelles) parues notamment en Folio 3011 : La Mort d'Ivan Illitch, Trois morts et Maitre et serviteur. Je m'attarderais plus longuement sur la première, parlerais un peu de la seconde et ferais abstraction de la dernière que je n'ai pas encore lue (mais ca ne saurait tarder!). On le voit, ces trois textes ont en commun la mort.

La mort a toujours été pour Tolstoï une préoccupation. En effet, il a vu mourir nombre des siens : sa mère est décédée alors qu'il n'avait que deux ans, son père, les deux tantes qui l'ont élevé, et son frère.

La littérature est un moyen de saisir les derniers instants d'un individu. Il ne viendrait pas à l'idée de quelqu'un de demander à un mourant ses impressions! L'écrit permet de parler de ce tabou.

La mort n'a pas toujours été tabou dans nos sociétés occidentales. au Moyen-Age, elle était acceptée. Au XX ème et XXIème siècle, elle fait peur en même temps qu'elle s'est médicalisée et technicisée.

Revenons à Tolstoï et d'abord à La Mort d'Ivan Illitch. C'est une nouvelle écrite à la fin des années 1870 après que l'écrivain ait traversé une autre de ses crises spirituelles. En effet, Tolstoï s'est plusieurs fois détourné au cours de sa vie de l'écriture qu'il prenait alors en dégout pour se consacrer notamment à l'éducation des paysans russes.

Le récit débute par l'annonce de la mort du protagoniste principal, puis revient sur sa vie. On constate qu'Ivan Illitch sortit de l'Ecole de Jurisprudence, porte un grand intérêt à sa carrière juridique. il gagne vite de hautes reponsabilités. Il se marie mais bien vite son idylle se gâte car sa femme a mauvais caractère. Il se réfugie alors davantage dans le travail.

Un jours, il obtient un poste à cinq mille roubles et fait aménager un luxueux appartement à Saint-Petersbourg. En tendant des rideaux, il chute et se blesse - sans gravité croit-il -au côté. Plus tard, des problèmes de santé vont apparaitre.

Les derniers chapitres de la nouvelle nous montrent la déchéance progressive d'Ivan Illitch. Sa blessure au côté n'est pas bénigne. Les médecins n'identifient pas précisément ce qu'il a, ou du moins ne veulent pas lui dire (la focalisation se fait de son point de vue). On évoque un rein décollé ou une pathologie au caecum.

La douleur persistante va alors lui rappeler constamment son état puis le fait qu'il va mourir.

Bientôt, il ne peut plus quitter son fauteuil et ne trouve du réconfort qu'auprès d'un domestique, gars de la campagne, qui en lui soulevant les jambes des heures durant apaise un peu sa douleur.

Lors des ultimes moments, Illitch s'interroge : pourquoi ne peut-il pas vivre? Sa vie a-t'elle été vaine? L'opium et la morphine ne le calment plus, la confession ne lui apporte qu'un bref répit.

Pourtant à la toute fin, il ne voit pas la mort mais la lumière et semble libéré, de son point de vue. Encore que peut-on donner un point de vue a ce qui n'est plus?

Cette nouvelle interroge chacun de nous sur sa conception de la mort, que l'on soit croyant ou athée.

Trois morts est une nouvelle plus courte, nous montre comment trois êtres -une dame, un paysan et un arbre - acceptent la mort. La thèse de Tolstoî est la suivante : plus on est proche de la Nature, plus on accepte l'échéance. L'écrivain russe avait lu Rousseau et avait de l'affection pour la paysannerie.

Voila un auteur et des textes bien intéressants !

A bientôt !

PS - Lecture complémentaire :

Philippe Ariès; Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen-Age à nos jours; Points Histoire H31

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Le Dernier Jour d'un condamné - Victor Hugo

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Le Dernier Jour d'un condamné est un roman de Victor Hugo, publié en 1829. On peut le trouver en Livre de Poche avec l'Affaire Tapner et Claude Gueux ou en Folio avec Bug-Jargal (roman de jeunesse de l'écrivain).

On trouvera aussi dans l'édition du Livre de Poche une préface de Robert Badinter, qu œuvra en France et obtint l'abolition de la Peine de Mort sous la présidence de François Mitterrand.

Ce roman de 49 chapitres montre les états d'âme d'un condamné, enfermé à Bicêtre, et qui attend d'être guillotiné. C'est un plaidoyer contre la Peine de Mort. On pourrait croire pour forcer le propos que l'homme que l'on va tuer est innocent. Or il n'en est rien. A plusieurs reprises, il évoque bien le fait qu'il a versé le sang mais on n'en saura pas plus. Seul dans sa cellule, il décide de tenir un journal où il consigne ses pensées et son désespoir.

Conformément à la pratique des romantiques, on a bien là un roman de l'intériorité, de la subjectivité, du moi.

C'est un roman poignant, particulièrement le chapitre où le bagnard fait ses adieux à sa fille de trois ans qui ne le reconnaît pas. Il y a aussi les épisodes tragi-comiques des forçats qui partent pour Toulon. A chaque instant, le prisonnier tente d'échapper en pensée à son destin mais la mort se rappelle toujours à lui.

Voilà, un roman incontournable. Le talent de Victor Hugo y éclate.

A bientôt !

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Le motif dans le tapis - Henry James

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Le motif dans le tapis est une longue nouvelle de Henry James, écrivain à l'écriture très "intellectuel". Le texte est publié chez Flammarion avec une autre nouvelle : La bête dans la jungle, dans une édition bilingue.

Ce choix est judicieux car ces deux écrits ont pour point commun le secret. Ce sont des textes à énigmes.

Dans Le motif dans la tapis,le héros-narrateur est un jeune critique confronté au défi que lui pose un auteur renommé et vieillissant, Vereker, qui clame qu'il y a dans son œuvre un motif secret, présent dans chaque lettre, comme un fil qui unit les perles, le sens caché qu'aucun critique n' a ne serait-ce qu'approché. S'agit-il d'une révélation fracassante, un coup de génie ou l'auteur en question est-il fou ? Or il ne l'est pas sinon il n'aurait pas pu écrire des livres si bien composés.

Le narrateur, de même qu'un de ses amis et la fiancée de ce dernier, vont s'attacher à découvrir ce motif. Peut-être s'agit --il d'une vaste fumisterie ? Henry James, comme Vereker, aime mener son lecteur par le bout du nez !

La bête dans la jungle est l'histoire d'un homme qui attend qu'un événement exceptionnel survienne dans sa vie. Il fait d'une jeune femme sa complice et ne se rend compte qu'après la mort de celle-ci que la bête qu'il attendait était en fait l'amour. Il est demeuré aveugle toute sa vie.

Des textes qui posent des énigmes, Une écriture qui masque. Ces deux nouvelles se prêtent excellemment bien à une lecture psychanalytique. Il faut préciser que l'un des frères de l'auteur, William James, était psychiatre et cela ne peut qu'avoir exercé son influence.

Comme pour chacun de mes billets, je vous recommande ces deux lectures, même si elles ne sont pas forcément facilement appréhendables tant le style et le fond sont complexes et raffinés.

A bientôt !

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Nouvelles histoires extraordinaires - Edgar A. Poe

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J'avais déjà eu l'occasion d'écrire un billet sur les Histoires extraordinaires de Poe, voici maintenant un article sur un autre recueil dont la traduction est aussi dû à Charles Baudelaire.

Bien sûr, j'aurais pu revenir sur certains aspects biographiques de la vie de l'auteur, son enfance, la mort de ses parents, ses rapports difficiles avec son beau-père Allan, son renvoi de West Point pour indiscipline, sa carrière journalistique, ses écrits théoriques sur l'art de la nouvelle...

Au lieu de cela, je vais présenter très succinctement chaque texte de ce recueil sous une certaine perspective,celle de Thanatos, l'omniprésence de la Mort, du funeste et du morbide dans l’œuvre.

Le Démon de la perversité raconte comment un homme commet un assassinat et finit, poussé par une étrange force, par tout avouer sans même s'en souvenir.

Le Chat Noir

Un individu passe de la souffrance qu'il fait endurer à des chats au meurtre de son épouse qu'il enterre dans la cave, derrière un mur. Mais il est trahi par un animal.

William Wilson est a ranger dans la catégorie de ces textes fantastiques qui traitent du double.

L'Homme des foules Le narrateur consacre sa journée à suivre un curieux individu à travers la ville.

Le Cœur révélateur Un nouveau meurtre est commis et comme dans Le démon de la perversité ou Le Chat Noir, le criminel se trahit lui-même!

Bérénice Un homme viole une sépulture pour s'emparer d'un bien de la défunte. Un texte très connu de Poe. Tout comme le suivant...

La Chute de la Maison Usher

Une histoire à trois protagonistes. Une femme enterrée vivante sort de son caveau. La Maison Usher finira par se fissurer puis s'écrouler.

Le Puit et le Pendule

Un homme, enfermé dans une cellule de l'Inquisition, voit un pendule aiguisé osciller au dessus de lui, le menaçant de sa lame. Un supplice de torture.

Hop-Frog

Un bouffon se joue d'un roi malfaisant lors d'une fête qui se termine mal pour le roi.

La Barrique d'Amontillado reprend et mêle les thèmes de l'emmurement et de l'enterré vivant.

Le Masque de la Mort Rouge

Une fête royale. Une étrange figure fait son apparition funeste tandis que chacun est obsédé par les coups de l'horloge. La Peste en arrière fond.

Le Roi Peste Encore le thème de la Peste. Deux marins font face à une étrange assemblée dans une nouvelle qui se veut conte loufoque. Tout la panoplie de la danse macabre est présente.

Le Diable dans le Beffroi

La thématique de la Mort est indissociable de celle du Temps. Ici, tout se dérègle ! Un univers clos comme dans la Maison Usher.

Lionnerie : Traité de nosologie - Naseaulogie?

Où l'auteur a du nez!

Quatre bêtes en une se déroule en Syrie durant l'antiquité et met en scène un souverain.

Petite discussion avec une momie

Une nouvelle, qui comme souvent chez Poe, mêle burlesque, dérision et grande érudition. N'est pas sans rappeler l’œuvre de Mary Shelley.

Puissance de la Parole, Colloque entre Monos et Una; Conversation d'Eiros et de Charmion sont des dialogues improbables entre des défunts, des anges? Le dernier texte met en scène la fin du monde, la Mort ultime.

Ombre se déroule durant l'antiquité et met en scène de nouveau la Peste.

Silence est une sorte de parabole biblique.

L’île de la Fée raconte l'écoulement d'une vie, la fuite du temps, succession d'étés et d'hivers sous une forme allégorique.

Le Portrait Ovale pose la question de l'Art, de la Mimésis, de la vie réelle et de sa représentation, de l'artiste fou et maudit. Le Tout dans un décor à la Ann Radcliffe.

Bref, une étude plus poussée s'imposerait. Les textes sont tous différents mais il est possible de dégager des thématiques communes. Le mieux est de lire soi-même le recueil pour se faire un avis.

A bientôt !

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L'oeuvre - Emile Zola

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Dans l'avant-projet des Rougon-Macquart que Zola remet en 1869 à l'éditeur Lacroix, l'auteur développe le sujet de son "roman sur l'art" : "Un roman qui aura pour cadre le monde artistique et pour héros Claude Dulac, autre enfant du ménage ouvrier. Effet singulier de l'hérédité transmettant le génie à un fils de parents illettrés. Influence nerveuse de la mère."

Le roman est publié en feuilleton dans le Gil-Blas de fin 1885 - début 1886 et en volume cette même année 1886.

Le héros en est Claude Lantier, frère d'Etienne Lantier (le héros de Germinal) et de Jacques Lantier (celui de La Bête humaine).

Zola s'inspire de ses relations avec les peintres, en particulier de son ami Cézanne , pour documenter ce roman. Il s'est fait le défenseur de Manet et des Plein-airistes, qui vont devenir les impressionnistes. Mais par la suite, Zola jugera que ces derniers manquent d'achèvement dans l'éxecutiion de leurs toiles. L'auteur des Rougon-Macquart est aussi l'auteur des Essais sur l'Art, de Mon Salon et de Mes Haines.

On a longtemps vu dans L'oeuvre un roman à clés, ce qui vaudra d'ailleurs une brouille entre Zola et Cézanne, mais en réalité la situation est plus complexe. Par exemple, il y a certes dans Claude un peu de Cézanne mais Cézanne n'est pas un artiste raté comme Claude et il y a aussi dans le peintre héros de L'oeuvre un peu de Zola.

Claude ne veut pas imiter la nature, il veut créer la vie. D'ailleurs,dans le roman, l'oeuvre picturale de Claude est en concurrence avec l'oeuvre de chair du peintre, le petit Jacques qui finira par en mourir.

Claude sombre peu à peu dans la folie et finira par se pendre devant son tableau inachevé, ne laissant aucune toile et une femme éplorée. Ce qui fait dire à Sandoz, l'ami écrivain en qui on reconnaît Zola, que c'est le fond de romantisme en lui qui l'a tué. L"oeuvre, c'est aussi pour Zola l'occasion de peindre Paris ainsi qu'un milieu, celui de l'art, à travers les peintres, les critiques, les modèles, les collectionneurs, les marchands d'art et les salon, l'officiel et le salon des refusés. Tout cela en accord avec la théorie naturaliste.

Pour approfondir, lire l'ouvrage de Belinda Cannone en Foliothèque (n°104) sur le roman de Zola.

A bientôt.

L'oeuvre - Emile Zola

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Vie d'Emile Zola - II - La vie de Bôhème

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Intéressons-nous, dans un second temps, aux années qui s'étendent de 1858 à 1862.

Emile Zola a dix-huit ans et est à Paris.

Il commence alors une riche correspondance avec ses amis aixois, signe de sa nostalgie de la Provence. On a conservé ses lettres à Baille le Polytechnicien et à Cézanne le peintre.

Ses résultats scolaires, au Lycée Saint-Louis, deviennent décevants, hormis en littérature française, enseignée par Pierre Levasseur, futur historien de renom.

Après un séjour à Aix à l'été 1856, de retour à Paris, il tombe gravement malade (fièvre typhoÏde peut-être, épisode de sa vie dont il se servira dans La faute de l'abbé Mouret).

Puis il retourne au Lycée Saint-Louis en rhétorique.

En janvier 1859, les Zola déménagent au 241, rue Saint-Jacques, se rapprochant de la banlieue sud.

Le 17 février 1859, il publie des vers en hommage à son père dans La Provence.

Pauvre et à demi-étranger, il n'est pas heureux.

Echec au baccalauréat le 4 août 1859. Il le repasse à Marseille en novembre de la même année et suite à un nouvel échec, il abandonne finalement ses études.

En 1860, son grand-père, Louis Aubert meurt. Le jeune Zola se met en recherche d'un travail.

La protection d'Alexandre Labot, qui l'avait fait entrer au Lycée Saint-Louis, lui vaut un emploi à l'administration des Docks de Paris. Il n'y reste que deux mois !

Il tue son ennui en promenades dominicales à Saint-Cloud, à Vitry, à Vincennes.

Zola a maintenant pour lui seul une mansarde au septième étage du 35 de la rue Saint-Victor où demeure sa famille. Il y reçoit de nombreux amis : George Pajot, le peintre Chaillan et des provenciaux de Paris comme lui.

Il lit les classiques et écrit : poèmes, proverbes, nouvelles (un coup de vent), lettres à Baille et à Cézanne.

Parmi ses lectures : Michelet l'historien, George Sand, Shakespeare. Il admire Jean Goujon et Greuze.

Mais sans travail, il doit renoncer à un séjour à Aix prévu à l'automne.

L'hiver 1860 - 1861 est rude.Il s'enfonce dans le spleen et on a peu d'informations sur cette période. Il a une liaison malheureuse avec une fille galante, Berthe (qu'il transposera dans La Confession de Claude, commencée en 1862 et publiée en 1865).

Nouveau déménagement en février 1861, au 24 de la rue Neuve-Saint-Etienne-du-Mont, dans un hôtel garni.

Cézanne, l'ami tant attendu, le rejoint à Paris en avril 1861. Ensemble, ils visitent le Salon de Peinture, les académies.

Zola ne trouve toujours pas d'emploi et son amertume augmente. Toujours des lectures : Molière et Montaigne ainsi que Victor de Laprade. C'est la vie de Bohême évoquée dans le titre de billet.

Il commence à regarder la Grande Ville et les Paysages, cherchant comme ses amis peintres, le "motif". L'oeuvre ne suit pas l'expérience. Il écrit toujours des vers mais ne corit guère à son talent poétique.

Après un nouvel hiver difficile, il se décide à demander la nationalité française; le 7 décembre 1861, à la mairie du Vème arrondissement, en qualité de fils d'étranger, né en France. Un tirage au sort favorable le dégage des obligations militaires.

Le 1er mars 1862, Emile Zola entre à la librairie Hachette comme employé au bureau des expéditions. il est payé cent francs par mois pour faire des paquets. Il passe ensuite au bureau de la publicité.

Là débute son expérience de l'Edition qui fera l'objet du troisième billet sur la "Vie de Zola".

A bientôt.

(Photo : Emile Zola en 1865, à 25 ans donc)

Vie d'Emile Zola - II - La vie de Bôhème

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Le Roi en jaune - Robert W. Chambers

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Dans le travail de constitution de ce qu'on a appelé "le Mythe de Cthulhu" par August Derleth, on trouve les Grands Anciens et parmi ces Grands Anciens, outre Cthulhu, le plus connu, il y a aussi Hastur qui est présenté comme son frère et un "esprit de l'air". En réalité, il faut remonter à Robert W. Chambers (et à Ambrose Bierce), auteur à cheval sur les XIXème et XXème siècle pour trouver les premiers mentions d'Hastur et du Roi en jaune (et de Carcosa, la cité mythique). C'est ainsi que Chambers est parfois vu comme un précurseur de Lovecraft ! Arrêtons-nous maintenant sur Le Roi en jaune  qui est un recueil de nouvelles de Chambers, publié en 1895.

Ce recueil contient en réalité deux parties bien distinctes. La première moitie s'apparente au genre fantastique dont nous rappelons la définition de Tzvetan Todorov qui est quand le lecteur hésite pour un fait entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle ! La seconde moitié relève du genre qui fera la gloire et la fortune de Chambers par la suite, à savoir la romance.

Les artistes - les peintres en particulier ! - tiennent une grande place dans l'oeuvre de Chambers et notamment dans ce recueil. Dans les deux parties de l'ouvrage ! Si on regarde la biographie de l'auteur, on apprend qu'il a suivi les cours, entre 1886 et 1892, de l'Académie Julian, une école de peinture ouverte aux Américains (car celle des Beaux-Arts leur est fermée). Chambers a donc vécu six ans à Paris et en montre une bonne connaissance dans les nouvelles "La Rue des Quatre-Vents", "La Rue du premier obus" (qui se passe pendant la Guerre Franco-prussienne en 1870), "La Rue Notre-Dame des Champs" et "Rue barrée" -  à propos de rues, notre écrivain connait donc bien celles de la capitale de la France, la géographie autour du Quartier Latin et la "vie de Bohême". Ces quatre histoires constituent la seconde moitié du livre et sont donc des romances. Je les ai trouvé bien écrites et pas niaises du tout et même touchant, en particulier la deuxième, "La Rue du premier obus" et sa fin surprenante, inattendue et bien pensée !

Revenons au Roi en jaune, vous le voulez bien ? J'aurais l"occasion une autre fois de vous parler des suppléments pour le jeu de rôles L'Appel de Cthulhu  que sont "Les Oripeaux du Roi" chez Sans-Détour et d'un des scénarios de  "Cthulhu 90" chez Jeux Descartes (qui tournent autour du Roi en jaune, d'Hastur, du Signe jaune et d'une certaine pièce de théâtre !). "Le Roi en jaune", oeuvre dans l'oeuvre, est en effet une pièce de théâtre de type symboliste, tellement bien écrite et efficace qu'elle rend les gens qui la voient complétement fous ! On est un peu dans L'Antre de la Folie de John Carpenter !

Dans "Le Restaurateur de réputations", on se demande si le personnage principal - qui se voit le descendant de "la lignée impériale d'Amérique" et d'Hastur et se prépare à prendre le contrôle du monde - est fou ou pas ! A priori oui mais certains éléments comme une histoire autour d'une armure introuvable sèment le doute dans nos esprit ! Ce personnage qui se nomme Hildred Castaigne deviendra un meurtrier et finira à l'asile ! Sa folie est expliquée par le fait qu'il a lu la pièce "Le Roi en jaune" !

J'aime particulièrement la nouvelle "Le Masque" qui figure aussi dans la première partie, sur le fantastique et qui voit Boris Yvrain qui expérimente dans son meublé parisien les propriétés d'un mystérieux liquide de son invention qui transforme les êtres vivants en statues de marbre quand on les plonge dedans ! S'ajoute à cela une rivalité amoureuse et le twist final est du à une propriété inattendue de la substance en question !

On retrouve Jack Scott, un peintre qui apparaît déjà dans "Le Masque" dans la nouvelle "Le Signe jaune". Ces nouvelles fantastiques insistent sur les aspects oniriques, mystérieux et macabres des récits, aspects réunis ici en un savant dosage ! Ici, dans "Le Signe jaune", notre artiste-peintre et son modèle Tessie vont "trouvé le Signe jaune" synonyme de Folie et de Mort et connaîtront une issue funeste tous les deux !

Je passe sur "La Cour du Dragon" qui est une autre variation sur le Roi en jaune et signalerais "La Demoiselle d'Ys", référence à la ville légendaire et qui se déroule donc en Bretagne et est une légende locale, teintée de poésie, ancrée dans le Moyen-âge et annonce les récits de romance de la seconde partie !

On a droit aussi, dans l'Edition du Livre de Poche, excellemment réalisée, à un ensemble de poèmes en prose, au centre de l'ouvrage et à la fin à une biographie de Chambers, à un récit d'Ambrose Bierce sur Carcosa et un fantôme et enfin une analyse de la Saison 1 de la série-télé True Detective - dont je ne parlerais pas car n'en ai vu que le Pilote à ce jour !

Signalons enfin, qu'en guise de transitions entre ces nouvelles, Chambers utilise le "retour des personnages " (certes avec moins d'ampleur qu'un Balzac !) ainsi dans la partie "intrigues amoureuses", on a les trois amis Clifford, Elliott et Rowden qui reviennent !

J'ai beaucoup aimé ce recueil mais Chambers est encore trop méconnu en France ! Il y a pourtant de quoi faire car il est l'auteur prolifique de plus de quatre-vingt dix livres !

A bientôt !

Le Roi en jaune - Robert W. Chambers

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Vie d'Emile Zola - I - L'enfance et l'adolescence en province

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Emile Zola est né à Paris le 2 avril 1840, au 10 de la rue Saint-Joseph. Son père est François Zola (né en 1795), un ingénieur civil originaire de Venise. Sa mère est une jeune Beauceronne, elle-même fille d'un artisan vitrier et d'une couturière, Emilie Aubert (née en 1819).

En 1843, les Zola s'installent à Aix-en-Provence, où l'ingénieur François Zola doit construire non loin de là un barrage dans les gorges de l'Infernet. Cela doit être le début d'une série de contrats prometteurs pour lui. Il crée une société avec des créanciers parisiens.

Les parents d'Emilie Aubert, Louis et Henriette viennent rejoindre les Zola à Aix.

François Zola déborde d'énergie et a proposé des plans à Thiers pour une fortification de Paris et envisage de même de construire un nouveau port à Marseille. C'est un pionner de la construction mais une maladie, une pneumonie, contractée sur le chantier de l'Infranet en 1847, aura raison de lui. il laisse sa veuve et son fils dans une grande misère et ceux-ci se retrouvent harcelés par les créanciers. Les Zola doivent emprunter et changer plusieurs fois de domicile.

Emile Zola reçoit cependant une excellente éducation. En 1848, il est élève de la pension Notre-Dame où il rencontre ses camarades Marius Roux et Philippe Solari. Le premier deviendra journaliste et le second sculpteur et resteront toujours ses amis.

Les changements de régime de 1848 et 1851 n'affecteront pas la famille. En octobre 1852, Zola entre en huitième au collège Bourbon. En 1853, il saute une classe et entre en sixième. Il rencontre alors Augustin Baille, fils d'un aubergiste et Paul Cézanne, fils d'un banquier qui deviendra le peintre que l'on sait.

En quatrième puis en troisième, Zola rencontre des succès. Il joue de la clarinette dans la fanfare du collège, s'enthousiasme pour Hugo et Musset et l'été venu part chasser dans la campagne avec Baille et Cézanne. Il racontera ses souvenirs concernant ces journées au grand air dans son oeuvre à venir notamment dans L'Oeuvre.

Déjà, il se lance dans l'écriture. La plupart de ses premières créations ont disparues: des vers, essentiellement, un roman sur les croisades, une comédie de potache en trois actes et en vers, Enfoncé, le pion !. Ces écrits étaient sans doute marqués par le lyrisme romantique.

Le 16 novembre 1857, sa grand-mère Henriette Aubert, meurt. Emilie Zola part pour Paris requérir de l'aide. En février 1858, son fils la rejoint, avec son grand -père Louis Aubert. C'est l'adieu à la Provence et à l'insouciance. La famille emménage dans un modeste appartement au 63 de la Rue Monsieur-Le-Prince.

En mars 1858, Emile entre en seconde au lycée Saint-Louis sur recommandation d'un ami de la famille, Alexandre Labot.

De 1858 à 1862, Emile Zola mène la vie de Bohême dont on parlera dans la seconde partie de cet exposé.

Ces informations sont reprises du dossier qui accompagne les romans de Zola en Folio (ici le dossier de L'Oeuvre) Pour plus de détails et une version romancée de la vie du naturaliste, voir aussi "Emile Zola" par Henri Troyat dans la collection "Grandes biographies Flammarion".

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Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe

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Edgar Allan Poe, auteur longtemps méconnu, voir méprisé, aux Etats-Unis, son pays d'origine, connu très tôt un vif succès en France. Il faut dire qu'il eut un traducteur prestigieux et renommé en la personne de Baudelaire qui sut faire revivre ses nouvelles quelques années après la mort de leur auteur.

Nouvelliste, Poe est également un grand poète et l'auteur d'un essai sur l'art de la "short story" où il affirme que dans ce style d'écrit condensé, la nouvelle, tout doit concourir à l'effet final, et cela depuis la première phrase.

On ne parlera jamais assez de l'influence de Poe sur les autres écrivains. Il était admiré par Baudelaire et aussi Mallarmé. Lovecraft lui doit beaucoup. Le maitre de Providence fait partie avec Jules Verne des continuateurs de Poe, en reprenant "les aventures d'Arthur Gordon Pym" dans "les montagnes hallucinées".

Les Histoires extraordinaires constituent avec les Nouvelles Histoires extraordinaires et les Histoires absurdes et grotesques, l'un des trois principaux recueils des textes de Poe.

Dans ce premier livre, on trouve, entre autre, "Double assassinat dans la rue Morgue" et "La lettre volée" ou Poe crée le détective Dupin, précurseur de Sherlock Holmes, inventant la nouvelle policière!

Il y a aussi "Le scarabée d'or", "Le canard au ballon", "Hans Pfall", "Une descente dans le Maelstrom", "Manuscrit trouvée dans une bouteille". Il s'agit souvent d'énigmes ou de récits d'aventures et de voyages où l'on croise des ballons ou des navires fantômes sur fond de nature déchainée.

"La vérité sur le cas de Monsieur Valdemar", "Révélation magnétique" et "Les souvenirs de M.A. Bedloe" ont pour toile de fond le magnétisme, très à la mode à cette époque. Ces textes explorent les limites entre la vie et la non-vie.

Enfin,figure aussi le thème de la métempsycose, la réincarnation, dans "Morella", "Ligeia" et "Metzengerstein" qui clôturent le volume. Dans les deux premiers textes apparaissent des figures féminines toutes intellectualisées, pur esprits qui semblent dénuées de sexualité. Les femmes de Poe sont pleines d'érudition mais aussi très fragiles, en proie à la maladie et à la mort. On retrouvera ces éléments dans "La Chute de la Maison Usher".

Poe mourut dans la misère la plus totale. Les circonstances de sa mort restent troubles et longtemps il n'eut pas de sépulture descente. Poe préfigure en quelque sorte l'écrivain maudit.

Un auteur à découvrir ou à redécouvrir !

Histoires extraordinaires - Edgar Allan Poe

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Adieu - Honoré de Balzac

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La figure de Napoléon Bonaparte a fortement marqué les écrivains du XIXème siècle et en particulier Honoré de Balzac qui en matière politique était plutôt légitimiste/monarchiste !

L'Empereur et son héritage apparaissent dans la longue nouvelle Le Colonel Chabert - dont il est question par ailleurs sur ce blog ! Le colonel D'Eylau qui renonce à son nom pour un prénom après s'être extirpé nu d'un charnier comme du ventre de sa mère !

L'autre nouvelle, plus courte qui parle des Batailles Napoléoniennes est le récit intitulé Adieu, qui date de 1830 ! Le moment décrit est la Retraite de Russie et le passage tragique de la Bérézina en plein hiver, en 1812 ! Le drame personnel rejoints ici la Grande Histoire !

En 1819, le major Philippe de Sucy, resté six ans prisonnier des Cosaques est de retour en France ! Là il retrouve la Comtesse Stéphanie de Vandières dont il avait été l'amant. En 1812, celle-ci avait suivi son vieux mari lors de la Campagne de Russie ! Les choses devaient mal tourner !

En effet, le trio, la Comtesse, son vieux mari et l'amant, devaient traverser la Berezina ! C'est ainsi que le major aider le couple à franchir ce moment difficile mais hélas, si la femme parvint sur l'autre rive, le mari fut décapité par un bloc de glace et l'amant restait bloqué sur la rive orientale tandis que son aimée lui criait "Adieu" (d'où le titre !).

Alors que De Sucy retrouve sa maîtresse, il découvre que  la Comtesse a été profondément traumatisée par les événements précédents et ne cesse de répéter "Adieu", mutique le reste du temps ! Le major va alors nourrir un projet fou pour lui faire recouvrer la raison !

Pour cela, le militaire va rien de moins que reproduire avec matériel, chariots  et figurant la traversée de la Berezina sur une petite rivière dans la campagne française ! La jeune femme revient par ce procédé effectivement à la réalité mais la réminiscence est trop forte et elle en meurt ! Un récit tragique donc !

On ne peut que saluer la puissance imaginative de Balzac et sa capacité à reproduire un événement dramatique, auquel il n'a pas assisté lui-même dans toute la force de sa survenue ! Son évocation est puissante et efficace ! Cette nouvelle est vraiment excellente de ce point de vue !

A bientôt !

Adieu - Honoré de Balzac

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