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Cratyle - Platon

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Nous allons maintenant parler d'un dialogue de Platon - dont j'ai pour la première fois entendu parler en Licence L1 de Lettres modernes, dans un cours sur les Surréalistes en 2008  - ce texte, c'est le Cratyle.

Socrate s'engage dans ce dialogue dans une discussion avec Hermogène et Cratyle portant sur le langage et plus précisément sur la question de la rectitude des mots.

Le mot qui désigne la chose est-il la chose ? Hermogène pose d'abord que le langage dérive d'une convention et d'un arbitraire - ce qu'on ne peut nier ! Toutefois, si on va au bout des conséquences de cette proposition, il pourrait alors exister un langage "public" où chacun désigne les mêmes choses des mêmes noms - et un langage "privé" où chacun désigne les choses pour lui-même avec les termes que lui seul à choisi ! Une idée qui intéresserait Ludwig Wittgenstein qui a montré que le langage était un collectif et qu'un langage privé ne pouvait exister faute de références communes !

La question du langage est sous-tendue par la problématique du vrai et du faux. En effet, le langage permet d'établir la vérité ou du moins de tenter de la cerner. Si le langage est relatif, propre à chaque individu - chacun son langage - cette vérité inaccessible. La connaissance naît du partage et de la confrontation !

Or les activités humaines ne se font-elles que par rapport à leur propre valeur ou à l'opinion qu'on en a ? Par rapport à leur valeur ! Aussi pour "tisser", il faut un instrument propre à cette activité, déterminé par sa valeur, une navette et pour "nommer" un instrument qui est le mot. Il apparaît alors qu'il faut un spécialiste des mots, un législateur. Par ailleurs, l'instrument doit s'adapter à l'usage, à chaque cas ! On signalera au passage la parenté étymologique entre "tissage", "tisser" et "texte" fait de mots !

Le législateur institue le langage qui se forme ensuite et se constitue par l'usage, aussi bien chez les Grecs que chez les Barbares.

Socrate pose ensuite qu'il y a une recherche naturelle de dénomination. Homère intervient ainsi que  la tradition.

Les Dieux font un usage correcte des noms, avec les dénominations correctes des choses. Car de fait, les Dieux sont plus raisonnables que les hommes. Les noms donnés par les Dieux reposent en outre sur une étymologie plus appropriée ! Les noms manifestent une réalité ! La nature des choses.

Socrate multiplie alors les exemples de noms de héros dans Homère et  décompose leur étymologie pour montrer qu'ils correspondent bien à leurs caractères ! Exemples tirés d'Hésiode aussi ! Socrate décompose ensuite les noms de "Dieux" (theon - celui qui  court à l'image des dieux primitifs, le soleil et la lune), "Démons" et "héros" (qui provient de eros, l'amour entre un Dieu et une mortelle - ou encore d'eroteticos, l'orateur).

Socrate affirme ensuite que de nouveaux mots sont formés en ajoutant/ retranchant des lettres ou des syllabes. Le langage s'altère,  évolue au cours du temps, par l'usage, fixé par le législateur.

Viennent ensuite des explications de Socrate sur les noms : "homme" - anthropos (celui qui fait l'étude de ce qu'il voit), "âme" - psyche et "corps" -  soma (le "sépulcre" - sema - de l'âme). Puis des explications sur les noms des divers Dieux ! Ce Cratyle est donc un texte de référence pour un certain nombre d'étymologies de termes et de concepts ! Après les Dieux, les éléments, la division du temps, les astres, des concepts et des qualités ayant trait à l'âme et à la pensée ! Il semble toutefois utile que le lecteur ait des rudiments de grec ancien, matière de moins en moins enseignée dans nos écoles !

Socrate montre aussi par ailleurs les emprunts de mots d'un peuple à l'autre, entre les Grecs et les Barbares - ce qui en rends plus difficile l'analyse étymologique.

Quantités de termes sont analysés dans ce texte qui  se révèle en fait très technique ! Hélas, ne m'y connaissant pas en grec ancien, je ne suis pas à même de dire si les "interprétations " de Socrate sont hétérodoxes - voire farfelues ! - ou pas ?

Reste la question des noms primitifs dont dérivent toutes les étymologies précédentes. Socrate pose que ceux-ci procèdent par imitation - et dans un rapport au corps ! On dénomme en imitant par la voix. Les choses ont en effet une sonorité ! Et une couleur ! Mais, en matière d'imitation, il ne s'agit pas ici de musique ou de peinture ! Il s'agit d'imiter les "essences" ! Les sons et les lettres imitent les choses ! Par la suite, Socrate recours aussi  à des exemples.

On retrouve ainsi dans le Cratyle, sous- jacent, l'idée d'une langue Adamique ou Edenique qui donne aux choses leurs véritables noms.

Le dialogue se clôt enfin par un échange entre Socrate et Cratyle - resté muet jusque là, sur les critères de vérité (le langage énonce toujours le vrai car le faux ne se dit pas !), sur l'imitation,  qui reprennent, synthétisent et approfondissent ce qui a précédé dans le texte. Le critère de vérité résulte de l'adéquation entre la chose et son imitation. Socrate questionne enfin sur le statut de l'image née de l'imitation, propos récurrents dans l'oeuvre de Platon. L'image est inférieure à la réalité (qui sera elle inférieure à l'Idée !).

Un dialogue qui a ainsi trait à l'Epistémologie chez Platon et avec lequel nous complétons et terminons notre analyse de tous les textes de l'Edition Pléiade de Platon établie par Léon Robin !

A bientôt !

Cratyle - Platon
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